Encore un livre sur le climat ? Certes, mais pas seulement. Ce livre permet avant tout de mieux comprendre ce qu'on sait et ce qu'on ne sait pas sur le climat. Il permettra de connaître la généalogie de la question climatique et des sciences, d'entrer dans la complexité de la fabrique des modèles et du discernement des risques climatiques, c'est-à-dire dans les arcanes de la fabrication des rapports du GIEC. Il permet encore de comprendre, comme de l'intérieur, comment les chercheurs ont été confrontés au climatoscepticisme, aux pressions et demandes de la société, auxquelles il ne leur était pas toujours possible de répondre. Enfin, il permettra de faire un point réflexif sur l'avenir qui nous attend, ce que nous réservent les prochaines décennies, et ce avec deux acteurs historiques de la saga climatique.
En 1974, apparait pour la première fois le mot « écoféminisme » sous la plume de Françoise d'Eaubonne dans son ouvrage Le féminisme ou la mort. Avec ce mot, elle exprime un appel à un « nouvel humanisme » pour sortir du « système mâle », responsable de la domination des femmes et de la destruction de la nature. Françoise d'Eaubonne propose une lecture écologique du féminisme tout autant destinée aux mouvements féministes en France qu'à ceux de l'écologie politique des années 70. Ce texte offre les clés de lecture pour comprendre et identifier les racines communes de la surexploitation des femmes et de la destruction de la nature. Il est aussi une invitation à détruire la structure du pouvoir patriarcal pour voir s'élever « la gestion égalitaire d'un monde à renaître ». Il permet de situer la pensée de Françoise d'Eaubonne dans le contexte féministe et écologiste de l'époque et son actualité. « Le temps de l'écoféminisme », dernier chapitre du Féminisme ou la mort, est également commenté en présentant les fondements de l'écoféminisme de cet autrice.
À partir des données d'une enquête menée auprès d'un échantillon représentatif de la population française en 2017, ce livre analyse les dimensions sociales et politiques de la transition écologique. Il souligne la diffusion large mais inégale des préoccupations environnementales. Il montre que la prise de conscience des enjeux ne s'accompagne pas nécessairement de l'adoption de pratiques orientées vers la sobriété et la préservation de l'environnement. Quatre configurations idéal-typiques ressortent de cette articulation problématique des attitudes et des pratiques : « consumérisme assumé », « éco-consumérisme », « éco-cosmopolitisme » et « frugalité sans intention ». Cette typologie suggère la complexité des arbitrages associés aux politiques de la transition écologique, qui articulent des enjeux de justice sociale et d'efficacité environnementale. Ces arbitrages, qui mobilisent l'incitation ou la contrainte, n'opèrent pas de simples choix techniques. Ils s'inscrivent dans le cadre des fractures sociales, économiques, culturelles et territoriales qui traversent la société française et mettent en jeu des intérêts divergents qui en illustrent la dimension proprement politique.
On a longtemps vendu à l'opinion publique l'illusion aujourd'hui hautement inflammable d'une transition écologique merveilleuse, qui créerait emplois et richesses pour tous, tout en redonnant à la nature son lustre d'antan. Cette caverne d'Ali Baba n'existe pas. Au contraire, quoi que l'on fasse, la lutte pour le climat est attentatoire au pouvoir d'achat. Elle nous oblige à nous détourner à moyen terme de cette énergie fossile qui a fait notre fortune pendant deux siècles et à demander aux pays en développement d'en faire autant. Cette guerre pour le climat ne pourra se gagner sans la mobilisation de chacun. Cela nécessite d'appliquer le principe pollueur-payeur, en imposant un prix universel du carbone reflétant la valeur du dommage qu'il génère, quitte à le compenser pour les plus pauvres. Mais les Français sont-ils prêts à sacrifier un peu de leur bien-être aujourd'hui pour améliorer beaucoup le bien-être d'autrui, même si cet autrui n'est essentiellement pas français, et qu'il n'est probablement même pas encore né ? Pour la plupart, ici et ailleurs, la fin du mois passe avant la fin du monde. Ce constat dérangeant pose la question de nos responsabilités envers l'humanité.
L'épistémologie classique, celle du XXe siècle, s'est essentiellement occupée de physique. Dominique Bourg et Nicolas Bouleau proposent en revanche de distinguer trois types de sciences grâce à un critère précis pour chacune, compréhensible par tous : la science nomologique, à savoir la physique avec ses différentes échelles ; la science interprétative, celle qui se construit et s'enrichit par modélisations d'un secteur de la réalité ; et la science combinatoire, à savoir la chimie et la biologie moléculaire. Les mathématiques joueront un rôle décisif dans cette tripartition. La réponse à la question « qu'est-ce que la connaissance scientifique ? » nous conduira ensuite à mettre en lumière une intrication fondamentale et insurmontable entre connaissance et ignorance. Celle-ci a été dévoilée au sujet de l'arithmétique au début des années 1930. Les auteurs révèlent l'existence de cette même intrication dans la biologie moléculaire. Bien que fondées et opératoires, nos connaissances n'en sont pas moins partielles, et ce à jamais. Ce constat permet d'éclairer l'état écologique de la planète. Ce faisant, leur réflexion conduit leurs pas dans ceux de quelques mathématiciens autour d'Alexandre Grothendieck au début des années 70, qui ont été les premiers à tirer certaines des conséquences des limites à nos connaissances.
Ce texte vibrant est un chant à la gloire de la wilderness, cette nature pas encore totalement dénaturée par les activités humaines. Les forêts profondes aux essences variées, les lacs miroitants, les ruisseaux murmurants et les cascades toniques, les montagnes imposantes participent, avec grâce et mystère, aux paysages américains traversés trop vite par une humanité plus préoccupée par ce que l'économie pourrait en retirer que par la beauté encore sauvage, inutile et gratuite, qu'ils offrent. John Muir, qui connait parfaitement ces lieux de solitude, nous les décrit avec précision et amour, inquiet de leur devenir, alors que retentissent les coups des haches des bûcherons...Comment les protéger d'interventions fatales ? En les sanctuarisant comme parcs naturels nationaux, ouverts néanmoins au tourisme ? Un article inédit en français de John Muir, présenté et commenté par Thierry Paquot
Alors que la question écologique gagne en importance dans le débat public et que le dérèglement climatique est amené à impacter durablement les équilibres mondiaux, cet ouvrage s'intéresse à la prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques dans un secteur jusque-là peu étudié dans la littérature sur le sujet : le secteur de la défense. Ayant pris la mesure de l'influence désastreuse à long terme des guerres modernes sur la santé des populations, sur l'environnement ou le climat, un certain nombre d'organisations étatiques et internationales souhaitent désormais adapter les règles de droit et leurs négociations en matière de défense ou de sécurité à partir de la considération des nouvelles préoccupations écologiques. Dans ce contexte critique d'anticipation des risques, l'armée occupe un rôle central et intervient légitimement en qualité d'expert. Cet ouvrage montre ainsi comment les questions environnementales et climatiques ont été problématisées au sein du secteur de la défense à partir des cas de la France et des États-Unis.
La thèse défendue dans cet ouvrage peut sembler paradoxale : le monde est abondant mais nous ne pouvons nous construire et nous épanouir qu'avec l'autolimitation. Ce sont nos désirs illimités qui font surgir les limites. À partir de la lecture de Malthus, Giorgos Kallis montre que, contrairement à la doxa, Malthus était un « prophète » de la croissance : il n'existait pour lui aucune limite naturelle à la production alimentaire. Il n'était pas non plus opposé à la croissance démographique, si celle-ci était précédée de la croissance de la production alimentaire. La différence entre croissance arithmétique de la production alimentaire et géométrique de la population signifiait pour lui que la population ne peut croître longuement sans régulation. Pour ses successeurs, seul un accroissement de la production permettrait de s'affranchir de la rareté. Mais ce serait reproduire l'illusion malthusienne, car le progrès technologique accroit nos besoins à son rythme. Avec l'économie néoclassique, c'est la technologie qui joue le rôle que jouait pour Malthus la production alimentaire. Héraut de la décroissance, Giorgos Kallis nous propose ici un manifeste pour une autolimitation et une transformation de la société. Il est urgent de sortir de ce cadre de pensée et d'interroger nos besoins et leur prétendue illimitation.
La modernité est née de l'affirmation que la nature se réduisait à un agrégat de particules mécaniques auquel les êtres humains étaient par nature et par destinée étrangers. Quelques siècles plus tard, nous sommes sous la menace de chocs et d'effondrements successifs : que l'essor impulsé par le mécanisme moderne a fini par susciter les conditions de son propre dépassement, par rendre insoutenable les dualismes qu'il avait produits. Alors que l'on a cherché à réduire la pensée et le pensable aux seules représentations subjectives humaines, ils ne cessent d'affleurer de toutes parts... avec l'intelligence animale, avec les plantes, la sylvothérapie. C'est cette réaffirmation de la pensée, indissociable du vivant et de la matière, qu'on cherche ici à comprendre, dans le cadre d'une construction métaphysique connue sous le nom de « monisme réflexif ». Ce livre est une contribution philosophique à un réenchantement du monde.
Il n'y a pas de crise climatique. Il y a une volonté politique pour que le climat soit en crise. Telle est la thèse provocante défendue par Mark Alizart dans ce petit ouvrage brillant et intempestif. Quand des États laissent non seulement brûler leurs forêts, mais qu'ils les mettent eux-mêmes à feu ; quand ils ne se contentent pas de ne pas appliquer les accords de Paris, mais qu'ils les déchirent en public ; quand ils ne se satisfont pas de douter des scientifiques mais qu'ils les intimident, - on ne peut plus simplement dire qu'ils n'en font pas assez pour sauver la planète : manifestement, ils font tout pour qu'elle soit détruite. Car le changement climatique va créer d'innombrables perdants, mais aussi quelques gagnants - quelques individus pariant sur l'effondrement du monde comme on parie, en Bourse, sur des valeurs à la baisse. S'il s'agit de se battre contre la crise climatique, il ne suffit donc pas de le faire en changeant seulement nos comportements individuels. Il faut déjouer le complot « carbofasciste » ourdi contre l'humanité. Comment ? En commençant par penser les conditions d'une révolution dans la pensée politique de l'écologie - une révolution en faveur d'un véritable « écosocialisme ».
Le livre fait le point sur la désobéissance civile et l'état de nécessité, juridiquement, historiquement et philosophiquement. Il rassemble des témoignages, des plaidoiries exemplaires et des jugements, des argumentaires et analyses en faveur de la désobéissance civile et des éclaircissements en matière de doctrine, tant en ce qui concerne l'engagement juridique de l'état de nécessité que le rôle du juge. Il permet de comprendre les limites, les raisons et la fonction des actions de désobéissance civile. Il met en lumière la pertinence de l'argument de l'état de nécessité dans le contexte qui nous échoit désormais. Dans un style précis mais accessible, il est utile à toute personne, qu'elle soit juriste, politiste, militante, journaliste, et à toute citoyenne ou citoyen qui veut réfléchir sur ces sujets.
Cet ouvrage a une double vocation. Il révèle dans un premier temps pourquoi l'article rédigé par Graham Turner peut être considéré comme l'un des textes fondateurs de l'idée d'effondrement de la société contemporaine, ou de la collapsologie. Il offre l'opportunité de replonger dans le rapport Meadows (1972), de montrer en quoi il fut novateur, de rappeler qu'il ne se voulait initialement pas prédictif, et d'enfin émettre quelques critiques. Dans un second temps, l'ouvrage s'intéresse aux retombées du texte de Graham Turner en montrant quelle vision de l'effondrement ce texte a diffusé. À la lumière du déclin de civilisations anciennes, l'ouvrage propose des réflexions quant aux diverses représentations de l'effondrement.
En février 1985, Val Plumwood échappe à une mort certaine. Alors qu'elle est saisie par un crocodile dans le parc National du Kakadu, en une fraction de seconde, l'ordre établi entre humain et nature est renversé. Comment pouvait-elle, en tant qu'être humain, ne revêtir que le statut d'un repas ? Cette rencontre confronta ce savoir « désincarné » à une strate plus profonde de sa conscience : une strate culturelle, dont la spécificité est de considérer l'humain au-dessus et hors du reste de la nature. Débusquer les mécanismes régissant ce piège, soit l'incompréhension de notre situation écologique, occupera l'ensemble de la carrière de l'Australienne. Elle lègue un diagnostic précieux, d'une grande rigueur intellectuelle et à la hauteur d'une pathologie dont la complexité et l'enchevêtrement des causes ne sauraient se satisfaire de réponses trop réductrices. L'ouvrage restitue les éléments essentiels de ce travail de longue haleine tout autant que des propositions fécondes pour habiter la communauté écologique dans un dialogue renouvelé et réunissant une pluralité d'êtres animés.
Face aux menaces systémiques, notre époque est de plus en plus consciente de la nécessité de faire droit à un principe de responsabilité à l'égard des générations futures, de la vie et de la Terre. Mais cette prise de conscience soulève bien des difficultés. Comment peut-on représenter les intérêts des générations futures puisqu'elles ne sont pas encore nées? Et comment défendre les intérêts des vivants et de la Terre puisqu'ils ne sont pas sujets de droit ? Que penser d'un régime qui prétendrait défendre de tels intérêts au détriment des droits des sujets classiques, à savoir les hommes contemporains ? Faut-il en conclure que la nouvelle exigence éthique n'est qu'une utopie irréalisable ? Eric Pommier dépasse dans cet ouvrage ce hiatus et propose les voies d'une réconciliation grâce au concept de démocratie environnementale.
À partir d'une analyse minutieuse des tendances de l'économie et de la société globales, le livre opère une distinction entre déglobalisation et démondialisation : la déglobalisation désigne une reprise en main de l'économie par des acteurs appartenant à la sphère politique, au nom d'intérêts parfois opposés. La déglobalisation est une altermondialisation, mais le processus en cours est confus et peut déboucher sur quatre scénarios, suivant que l'emporteront les tendances à la coopération ou à l'hostilité d'une part, la quête de croissance des consommations d'énergie et de matière ou le désir de viabilité d'autre part. Pour chaque scénario, la position des principaux acteurs et leurs stratégies sont finement décrites et analysées. Le livre opte pour le scénario de « l'habiter terrestre » et propose une stratégie (notamment française, mais qui pourrait inspirer d'autres pays) pour le faire prévaloir sur les autres. Quatre nouvelles littéraires, écrites pour donner à voir chacun des quatre scénarios, complètent l'ouvrage. Elles sont disponibles en libre lecture sur la page ouvrage de notre site www.puf.com.
Après la candidature de la liste « Urgence écologie » aux élections au Parlement européen de mai 2019, Dominique Bourg propose un état des lieux de notre démocratie, des dangers qui la menacent et des solutions à mettre en oeuvre au plus vite, afin de rompre avec l'inertie du système. Il analyse le quadruple échec de notre système politique : face aux marchés, aux enjeux écologiques, aux évolutions techniques et au principe de la représentation. Ces échecs ont engendré de lourdes menaces pour nos sociétés. La révolution numérique permet désormais à la technologie de se substituer à l'humain. Dans un contexte de globalisation économique et de développement de groupes transnationaux surpuissants, le marché est devenu souverain, empêchant les États d'exercer leur rôle social. Enfin, la menace écologique est désormais omniprésente. Dans un tel contexte, le défi posé aux démocraties est immense. Leur incapacité à faire front pourrait favoriser l'avènement de régimes autoritaires. Une voie escarpée reste à gravir : celle de l'écologisation de la démocratie, afin de passer du paradigme mécanique de la modernité à l'unité du vivant.
Pour la première fois dans l'histoire, l'humanité est sur le point de pouvoir produire de la viande sans animaux. Cette prouesse technique permettrait d'épargner les milliards d'animaux que nous élevons et tuons chaque année dans des conditions souvent très violentes. Alors même que, d'un point de vue gustatif et nutritionnel, cette « viande de culture » promet d'être rigoureusement identique à la viande que nous consommons actuellement, voire meilleure sur le plan sanitaire, elle suscite déjà de fortes oppositions, généralement de la part des défenseurs de l'élevage. Compte tenu de la nécessité d'un débat équilibré sur cette innovation majeure, ce livre présente les principaux arguments du point de vue de la condition animale et de l'environnement.
Devant la menace d'un effondrement global de la vie et des civilisations, il est impératif de s'interroger sur les causes et les remèdes du phénomène. Cause première : le système capitaliste qui depuis son origine épuise le monde et l'humain, tout en vendant à ce dernier des compensations qui masquent le problème... jusqu'à un certain point. Chaque phase du capitalisme (industrialisation, consumérisme, virtualisation) a accentué et accéléré cet épuisement. Et désormais, c'est le monde qui a lui aussi besoin de notre soutien. Quels remèdes ? Il s'agit de penser une transformation fondamentale, qui ne peut intervenir que par la grâce d'une éducation profonde, d'un aménagement des conditions de l'enfance. On aura alors à penser la formation de nouvelles forces. Des forces spirituelles susceptibles de nous relier au monde, de sentir quelle est sa réalité (et pas seulement de la penser). Des forces psychiques pour se passer des compensations épuisantes et savoir jouir d'être réel et vivant.
Ayant pris connaissance de l'attribution de la personnalité juridique au fleuve Whanganui et de sa reconnaissance par la loi néozélandaise comme « entité vivante et indivisible », l'auteur entreprend une enquête, à la fois sur le plan conceptuel et sur le terrain, par la remontée du fleuve avec une photographe, pour analyser le sens de cette nouvelle disposition légale. L'enquête se déroule en trois temps : auprès des promoteurs de la loi à Wellington ; à travers l'analyse du texte lui-même, le Te Awa Tupua ; par une prise de contact, physique et humaine, sur les rives du fleuve Whanganui. Il s'agit de saisir les interactions historiques (revendications maories), légales (peut-on tout personnaliser et est-ce que cela implique une meilleure compréhension et relation à la nature ?) et sensibles (comment devient-on effectivement la rivière ?) qui ont conduit à la personnalisation de la Whanganui, auprès de laquelle l'auteur tente ainsi de rendre compte des capacités transformistes.
Comment les animaux non humains sont-ils représentés dans notre langage quotidien ? Cet ouvrage expose les mécanismes de ségrégation qui opposent humains et non-humains en regroupant ces derniers dans la catégorie négative des « animaux » ou des « bêtes », en leur refusant un visage, une personnalité, des sentiments, la possibilité de raisonner ou de vouloir. Il examine ensuite comment notre langue dévalorise les non-humains par les connotations péjoratives attachées aux termes qui leur sont associés. De nombreuses métaphores et expressions présentent les autres animaux comme des êtres essentiellement stupides, malfaisants, sales et obscènes ( « un porc », « un caractère de chien » ). D'autres mécanismes enfin permettent d'euphémiser, voire de nier les violences physiques dont ils sont victimes. Face à cette « misothérie » , ou mépris des animaux non-humains, incorporée dans notre langage, le sens critique et la rationalité restent nos meilleures ressources pour que cessent ces violences symboliques.
Tout comme les travaux de Darwin, la révolution provoquée par la découverte de la double hélice, en 1953, tient à l'ordre de grandeur vertigineux des possibilités combinatoires. Le vivant que nous connaissons n'est qu'une infime partie de ce qui est concevable. Ces ADN qui n'existent pas, et qui pour beaucoup d'entre eux n'ont jamais existé, posent la question majeure de la rencontre fortuite de molécules artificielles avec l'existant. Cette problématique, unique dans l'histoire, interroge la notion de providence qui est en balance avec celle de précaution. Au-delà des religions, bien des scientifiques ont une vision providentielle du progrès technique. C'est le cas en biologie de synthèse lorsque des chercheurs procèdent à des « essais pour voir », mais la résilience de la nature n'a pas été façonnée pour réagir à des artefacts. C'est une des raisons pour laquelle il est facile de la mutiler mais impossible de la refaire. Si la biologie est pertinente pour prendre soin du vivant existant, le blanc-seing que les chercheurs se donnent pour l'inventer est infondé. Et on peut postuler les risques qui ne tarderont plus à apparaître désormais, depuis que des jumelles génétiquement modifiées sont nées en catimini en Chine.
Depuis l'alerte de la biologiste Rachel Carson, prédisant dès 1962 des printemps silencieux, beaucoup d'efforts ont été accomplis pour réorienter les politiques agricoles. En vain. Pourquoi ? En partant d'une remarque d'Edgar Pisani selon laquelle « le problème agricole n'est que l'un des aspects de la crise que le monde connaît », l'auteur analyse à travers quatre types de sociétés - les communautés paysannes néolithiques, les empires agraires, les thalassocraties marchandes et les états industriels - la correspondance entre sociétés et agricultures, notamment en termes de représentation du monde et d'organisation. Chaque société est dominée par un motif : domestication, hiérarchisation, manipulation, artificialisation. La société écologique devra s'inscrire sous le motif de la cohabitation. En partant des écrits et pratiques actuels qui préfigurent les sociétés écologiques, l'auteur esquisse une agriculture et une alimentation de la cohabitation et les politiques qui permettront leur généralisation.
Plante aux propriétés psychotropes, le khat est cultivé et consommé dans la Corne de l'Afrique depuis des siècles en toute légalité, et suit illégalement à travers le monde les diasporas est-africaines. Des étals des marchés de Addis-Abeba, à une saisie douanière à Calais, Céline Lesourd suit les trajectoires d'une marchandise ambivalente : en passant les frontières, en s'exposant à de nouveaux bastions moraux, le catha edulis devient une drogue, qui, dit-on, financerait le terrorisme islamique. Aux côtés de paysans, de grossistes, de commerçantes et d'anciennes contrebandières, ce sont les enjeux économiques et politiques d'un commerce international qui se profilent. Aux côtés des consommateurs, ce sont les distinctions sociales, les fantasmes sexuels et les exaltations identitaires et religieuses qui se (re)cristallisent autour de ce rameau. D'hier à aujourd'hui, entre l'intime et le monde, cette enquête révèle ce que les hommes font du khat et ce que le khat et sa globalisation font aux hommes et, plus encore, aux femmes.