En finira-t-on jamais avec le prolétaire ? L'homme déraciné, aliéné, exploité, dont Marx annonçait la disparition dans la future cité communiste, hante toujours la société mondiale. L'homme dépossédé de lui-même, et au nom de qui toutes les révolutions du siècle ont eu lieu, n'a pas disparu, loin s'en faut. Il s'est multiplié au point que le monde entier - le tiers monde ! - se prolétarise sans cesse, au sens strict où l'entendait l'auteur du Capital. Jacques Ellul propose ici une analyse totalement subversive. D'une certaine manière, elle prend Marx au mot ! Le prolétariat, affirme-t-il, n'a pas été un produit du seul capitalisme, mais bien de la société industrielle elle-même. Ainsi, la révolution soviétique, la voie chinoise, tout comme l'évolution du tiers monde, aboutissent - au rebours de leurs intentions proclamées - à la création d'un immense prolétariat mondial. Toutes les révolutions ont échoué. Toutes, au-delà des discours et des idéologies, ont cédé à la fatalité industrielle et technicienne du capitalisme qu'elles entendaient combattre. Et pourtant, en ce début des années quatre-vingts, la première vraie révolution devient possible. Une extraordinaire conjonction de facteurs historiques - et technologiques - rend vraisemblable une rupture politique infiniment plus radicale que tout ce que les idéologies ont jusqu'alors envisagé. Pour quelles raisons ? À quelles conditions ? Serions-nous encore capables d'une véritable espérance révolutionnaire ?
Une biographie de ce logicien autrichien, né en 1889, mort en 1951, qui influença le mouvement appelé le Cercle de Vienne. Certaines de ses oeuvres furent découvertes après sa mort.
Pendant des décennies, la réalité du régime soviétique a été occultée par des images mythiques : les grands travaux, les kolkhoziennes souriantes, les ouvriers épanouis, les figures paternelles de Lénine et de Staline. Pourquoi, pendant si longtemps, la répression politique, les purges, les famines n'ont-elles pas provoqué en Occident de remises en cause décisives ? À partir d'une documentation inédite, provenant largement des archives de l'ex-URSS, Sophie Coeuré montre le formidable travail de propagande élaboré par Moscou. Les relais, en France, furent multiples, depuis la classique diplomatie jusqu'à l'industriel fasciné par les grands travaux, en passant par le journaliste soviétique familier des mondanités parisiennes, le kominternien oeuvrant dans la clandestinité, le militant communiste ou le compagnon de route éblouis par le voyage en URSS. Chez tous, un point commun : la répétition d'un discours dessinant une image toujours plus uniforme et plus positive du pays des Soviets, qui récupère une part bien choisie de l'héritage de l'Empire russe. On assiste en direct à la naissance d'une mythologie qui, avec des hauts et des bas, va marquer la France pendant un demi-siècle.
Lacan, Foucault, Derrida, Nerval, Rimbaud, Balzac, Flaubert et H. James sont ici convoqués autour d'une même question : qu'en est-il des rapports de la folie et du texte littéraire ? Du signifiant folie, ce livre recherche non pas tant le sens que la force ; non pas ce qu'il est (signifie) mais ce qu'il fait - les actes textuels et les événements énonciatifs qu'il déclenche et auxquels il donne lieu. Et ce n'est pas par hasard si ce faire de la folie, Shoshana Felman le cherche dans des textes tout autant théoriques que poétiques ou romanesques. Alors que, souvent, on croit qu'il est donné à la théorie de savoir et à la littérature de faire, on voit ici que la folie déjoue ce partage, en révélant dans la littérature un savoir et, dans la théorie, un acte. Au terme, on ne dira pas seulement que la littérature nous informe sur la folie, mais que la folie ouvre un nouvel aperçu sur la spécificité de la chose littéraire.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Il y a une étonnante similitude entre les questions qui surgissent, en forme bouffonne, chez Rabelais, et celles que nous affrontons : lutte contre l'impérialisme de la guerre, et l'obscurantisme dogmatique. Ce qui déjà s'y découvre, c'est l'arbitraire des signes. La collision des mots et des choses, fondement de la société théologique et monarchique, est l'objet même de la critique - et du rire. Assumer la destruction de ce langage, jusqu'aux audaces verbales les plus « joyciennes », c'est montrer que les signes ne révèlent plus qu'« obscuritez et equivocques ». L'impossibilité de s'en remettre aux apparences - et voilà les antinomies de Panurge : se marier, ne pas se marier ? D'où ces vertigineux « tourniquets » de la description rabelaisienne. Le même lieu peut y être en Asie et sur « la mer Athlanticque ». La littéraire, la surface du « texte » n'est plus ici que la diversion et le voile, le terrain de toutes les ambiguïtés, que l'océan bafoue. De même façon, l'intrusion désordonnée de récits étrangers annonce un abandon du souci « structural » ; les inventaires puérils font éclater les classifications médiévales, les « taxinomies » ! Mais cela, à travers les réjouissances d'une longue plongée dans la saveur, dans la langue, les enjeux et les dérisions de François Rabelais. Du Rabelais au futur de Jean Paris, on a dit déjà que certains résultats y feront date : telle la mise en parallèle entre la lettre sur l'éducation et la Guerre Picrocholine... Il tente de saisir le passage d'un système clos, taxinomique - le moyen âge - à une pensée dialectique, générative : les temps moderne. C'est-à-dire ce « change des formes » (Marx) dont notre époque vit l'analogue.
Les combats pour la liberté de la presse sont vieux comme le monde - comme la presse, en tout cas. Mais qu'est-ce que la liberté de la presse, sinon la liberté des propriétaires de journaux ? Et qu'est-ce qu'un propriétaire de journal, dans bien des cas, sinon le représentant d'un groupe d'affaires dont les intérêts ou les opinions peuvent différer, pour un temps, de ceux du pouvoir, mais dont les conflits avec le gouvernement n'intéressent pas forcément l'intérêt général ou les libertés publiques ? Au-delà de cette liberté abstraite aux yeux du plus grand nombre, il y a celle, plus concrète, qu'exercent ou que devraient exercer les journalistes - de la presse écrite, de la radio, de la télévision. Plus encore que de liberté, c'est de dignité qu'il s'agit alors. Tel est le sujet de ce livre de Jean Schwoebel, fondateur de la fédération des Sociétés de rédacteurs qui prétendent assainir la presse et les divers moyens d'information, en assurant à ceux qui la font un droit de regard et de contrôle sur l'entreprise. A un moment critique, l'action des rédacteurs du Monde a permis de sauvegarder l'indépendance et la qualité de ce journal ; les droits qui ont été reconnus depuis lors à leur Société, que préside l'auteur de ce livre, lui permettent de contribuer efficacement au maintien de cette indépendance. La dignité de la presse, c'est la dignité du public, des citoyens, la vôtre, qu'elle concerne : si le journaliste n'est pas toujours « l'instituteur des temps modernes » que déclarait être l'un d'eux, votre journal quotidien est votre fenêtre sur le monde. Ce livre s'efforce de montrer comment on peut en rendre la vitre plus claire...
De sa naissance en février 1812, près de Portsmouth, à son décès en juin 1870, qui fut Charles Dickens : sa vie, sa famille, les caractéristiques de son oeuvre à l'aune des épisodes de sa vie. L'ouvrage d'un passionné qui cherche aussi à répondre à cette question : Dickens était-il un "progressiste" ou un "conservateur" ? Un ouvrage illustré de nombreux clichés d'époque.
Tout au long de ce livre, j'ai tenté de présenter une peinture impressionniste de la société industrielle, de ses développements, de ses implications et, considérant les multiples facettes de la réalité reconstituée au gré de l'actualité, d'analyser l'émergence de nouvelles valeurs, de nouvelles formes d'organisation ou de gestion. Le lien entre ces chroniques est la complémentarité des fonctions et l'interdépendance des éléments, mis en évidence dans chaque grand thème considéré : santé, loisir, biologie, informatique, énergie, environnement, industrie, avenir. J'ai cherché, grâce à ces complémentarités, à donner un autre éclairage du développement de la société et de notre action en son sein, en mettant l'accent sur la relation, non sur la situation ; sur les buts, les rôles, les réseaux et non sur les seuls produits ou éléments quantifiables. Et ceci, au regard des défis qui nous guettent dans les domaines nouveaux de la biotechnologie ou de l'intelligence artificielle. Situé par formation et aussi par profession à une croisée de chemins, j'ai utilisé l'approche systémique pour dégager certains des courants scientifiques et techniques parmi les plus marquants qui traversent et agitent notre société. Les systèmes sociaux, économiques ou politiques n'existent que par nous, les enzymes de la Terre. Nous seuls sommes capables de les transformer, pour peu que nous découvrions les secrets de nos complémentarités et les voies de nos créations collectives. Car les chemins de la vie sont aussi les chemins de la création.
Un cerveau planétaire est en train de naître du gigantesque réseau des télécommunications qui réunit peu à peu les cerveaux des hommes, neurones de la Terre. Grâce à la télématique, aux satellites, aux fibres optiques, aux ordinateurs, nous construisons du dedans un cerveau aux dimensions du globe. Un organe sans formes réelles mais qui commence à penser et dont dépend notre avenir. S'appuyant sur des faits puisés dans l'actualité, Joël de Rosnay révèle un environnement aux multiples dimensions, où interagissent biologie, informatique et télécommunications, domaines appelés à bouleverser nos modes de pensée et le développement industriel de nos sociétés.
En 1945, l'issue de la Seconde Guerre mondiale impose une configuration géopolitique, en gestation depuis au moins la seconde moitié du XIXe siècle, mais qui aurait pu être différente si le vainqueur avait été autre (les puissances de l'Axe - Allemagne hitlérienne, Italie mussolinienne et Japon impérial - au lieu de la Grande Alliance - Royaume-Uni, Union soviétique, États-Unis). Le monde, soumis depuis les grandes découvertes aux puissances européennes, échappe à celles-ci. Il est désormais dominé par deux colosses, aux atouts bien différents : les États-Unis et l'Union soviétique. Or déjà, au-delà de cet équilibre bipolaire en formation à la fin des années 40, l'ébranlement mortel des empires coloniaux annonce le retour, comme acteurs de l'histoire, des peuples non européens.
Demande-toi, se dit le narrateur - au moment où il interrompt une autobiographie déjà bien esquissée - ce qu'on veut faire croire quand on écrit. Entre Achille et la tortue, entre les mots et les choses, entre soi et soi, il y a toujours un écart, que les croyances littéraires se chargent de combler.
Décrivant les expériences de l'interruption et de la distance chez Rimbaud ou Kafka, de la désorganisation chez Valéry, l'obsession bergsonienne de la lettre branchée sans intervalle sur l'intériorité, les représentations fantasmatiques de l'écrivain que Breton, Artaud, Fondane ou Jünger héritent du XIXe siècle, la double contrainte romantique de l'ici et du là-bas chez Peter Handke, le double jeu du statut réel et de la statue imaginaire produite par l'écriture chez les héros et héroïnes de la modernité (Apollinaire, la NRF, Blanchot, Sollers), la relation ambiguë de Gide et d'un écrivain prolétaire (Maurice Lime), le contrat métaphorique que signe le poète voué à l'activité performative, Daniel Oster explore les données médiates de la conscience littéraire et des légitimations par lesquelles elle voudrait échapper à sa contingence.
Parce qu'elle s'inscrit dans le discontinu, l'infinitésimal, les quantités évanouissantes, la relation de l'écriture - au vrai et au réel - est toujours improbable. « Pour autant que les propositions mathématiques se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, pour autant qu'elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité » (Einstein). On peut en dire autant de la littérature, lieu d'expérimentation des espaces inconciliables, des discontinuités psychiques, des bifurcations et des conflits.
« Passages de Zénon » tente de décrire, dans le même mouvement, ce triple espace de la littérature, du mental et du paysage : espaces critiques, où l'ironie de l'auteur - proche d'Isidore Ducasse et d'Edmond Teste - libre de tout dogmatisme, fait merveille.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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Nous sommes plus de 50 millions de Français. Comment fonctionne la « Société » complexe que nous formons ? Quel avenir commun va naître de nos activités dispersées ? À ces questions, la collection « Société » apporte une réponse. Les meilleurs experts - et les plus divers - font ici le point de ce qu'ils savent, de ce qu'il faut savoir. Dans la collection « Société », les experts s'adressent aux citoyens. Thomas Robert Malthus (1766-1834) est avec Keynes. Marx et quelques autres, l'un des économistes dont la pensée radicale n'a jamais perdu de son actualité. Depuis L'essai sur le principe de population, il n'est plus possible d'ignorer les liens - plus ou moins étroits ou modifiables - qui unissent l'effectif de la population au volume des ressources disponibles. Et toute la réflexion moderne sur le sous-développement, l'équilibre démographique, les maladies de la croissance, etc. rencontre nécessairement - que ce soit pour le nier ou le repenser - le pessimisme tragique de Malthus.
Les grandes manoeuvres de l'opium. La drogue est, comme l'uranium ou le pétrole, marquée du sceau des intérêts d'État. Dans les pays victimes de la toxicomanie, réprimer l'abus des stupéfiants est une mesure d'assainissement social. Dans les pays où l'on cultive l'opium, la lutte contre cette production peut prendre l'allure d'une attaque contre le niveau de vie de larges couches de la population. Une partie serrée se joue entre les uns et les autres, dans les couloirs des chancelleries et des organisations internationales comme dans les villages de la jungle, les casernes et les bouges des grandes villes. Catherine Lamour et Michel R. Lamberti s'y sont rendus : ils décrivent et expliquent ce qu'ils ont vu à Genève et à New York aussi bien qu'en Thaïlande, en Birmanie, en Turquie et en d'autres lieux moins connus.
Une métaphore puissante, signifiante à l'excès - un système solaire - commande la course de Nietzsche comme de Platon, ordonne la pensée de la naissance et du déclin, programme le lever de Zarathoustra. D'une telle héliologie, Platon, Hegel, Nietzsche sont les moments majeurs. Et parce qu'un soleil décrit révolutions et orbites, dans un mouvement renversant, parce qu'un soleil toujours chasse l'autre et prend sa relève, parce que la clarté de midi équivaut à la nuit pure, c'est la double question, philosophique, du renversement de Platon et du rapport à Hegel que l'on voudrait poser en déclinant ces versions du soleil. Le travail où cette recherche s'effectue, se propose comme une « description » de Nietzsche. Description nécessairement orientée selon un axe double : d'une part, dresser - au sein d'une théorie du système signifiant explicitement articulée dès la Naissance de la Tragédie - un exact inventaire des règles et limites imposées au texte par la langue naturelle, et par la métaphysique (platonicienne) qui la soutient ; mais, d'autre part, il aura suffi d'éveiller ainsi la puissance rhétorique et métaphorique de la langue, pour que le texte de Nietzsche se trouve affecté d'une lecture instable, libérant et déployant les figures qui l'occupent et l'écrivent. Figures dont l'analyse emprunte inévitablement à Freud ses concepts et ses opérations.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
J'agis et je porte des jugements sur les actions d'autrui. J'approuve et je désapprouve. Au nom de quoi ? Je choisis, je préfère. Par référence à quelles valeurs ? Je reste à l'écart ou je me joins à d'autres. À quels autres ? Au nom de quelles solidarités ? La politique n'est pas seulement le comment et le quand. C'est aussi le pourquoi. Pourquoi dira-t-on d'un régime qu'il est efficace ? Pourquoi acceptera-t-on ou rejettera-t-on la légitimité de tel ou tel pouvoir ? Pourquoi tel acte de violence sera-t-il un crime pour les uns, un exploit pour les autres ? La trahison passe pour un crime. Mais qu'est-ce qu'un traître ? Au nom de quoi les épurations ? La politique n'est pas tout, mais la politique est en tout. Dans le difficile rapport que chaque société, que chacun de nous établit entre les fins sociales et les fins privées. Dans la relation de toute collectivité avec son passé et dans les choix qu'elle fait entre la mémoire et l'oubli. Dans toute pédagogie, puisque toute influence se réfère à des valeurs qui doivent la justifier. Et c'est ainsi que tout naturellement, la recherche des pourquoi politiques conduit à l'interrogation sur les justifications ultimes, sur la façon dont chacun, le marxiste ou le chrétien - ou encore l'auteur -, fonde les valeurs qui donnent un sens à ses jugements et à ses actions.
En perdant la Prairie, l'Amérique a trouvé son roman et perdu son idéal. Paradoxe puritain dont naît la littérature et meurt le libéralisme américain. Sur ce thème de l'innocence perdue, le Nouveau-Monde s'est donné une épopée que lui envie l'Ancien : le roman américain, qui est moins une esthétique qu'une protestation des remords et des espoirs d'une nation jamais satisfaite de sa liberté ni de ses dieux. Cette anatomie du roman américain n'est pas seulement une étude littéraire, mais une recherche des faits sociaux, politiques et psychologiques qui expliquent l'évolution du roman américain de Cooper à Updike, de Mark Twain à Truman Capote. Avant d'étudier séparément les quinze plus grands romanciers américains, Jacques Cabau essaie dans une première partie de saisir le fil d'Ariane qui conduit des westerns de Cooper aux exquises raretés de Salinger. Sur la piste du roman américain, l'auteur ne néglige ni romans policiers, ni best-sellers, ni science-fiction, pour mieux faire comprendre comment le roman américain est la voix d'un peuple tout entier, et comment la crise du libéralisme américain faillit, entre 1930 et 1960, entraîner dans une même catastrophe le pays de la liberté et son roman. Au terme de cet essai, la révolution d'hier, celle d'Hemingway et de Dos Passos, paraîtra peut-être moins radicale que celle d'aujourd'hui. En pleine crise, le roman américain contemporain, de Norman Mailer à John Updike et de Bellow à Salinger, ouvre de nouvelles perspectives où l'esthétisme et la psychanalyse, le mysticisme et les drogues hallucinogènes partent à la conquête d'une nouvelle Prairie.
« Les titres allaient bon train, le train battit une ombre non Circé l'homme erra par la gibecière de banques. » Nous y sommes en plein, sans qu'il soit possible de faire dire aux poèmes (ces poèmes !) autre chose que les pas qu'ils nous font franchir, le souffle qu'ils nous mettent dans la gorge : « Terre à jamais termitée onctueuse errant sur mon dos l'ondoiement des éclairs qui aigrissent la musique en cheville. » Entre deux limites données par l'exilé (Casablanca, en 1964 ; Palavas-les-Flots, Paris, en 1974) qui en disent peut-être plus long qu'il n'y paraît, un seul mot d'ordre : « La liberté est au bout d'une feuille de papier. »
Traitant de la déconstruction, cet essai se propose : - Un but unique et dédoublé. Il s'agit d'en analyser systématiquement les techniques, sur la base du travail de J. Derrida ; mais aussi d'en problématiser la possibilité. - Un déplacement et une greffe. La déconstruction est transposée ici dans une problématique machinique et matérialiste dont la clé est la libido dans sa version nietzschéenne. - Une question alors. Qui déconstruit ? Qu'en est-il du désir du déconstructeur comme sujet de l'écriture générale ? - Et un effet. Contre l'idéologie du signifiant se constitue un procès matériel de production textuelle. - Un enjeu et une thèse. Dans une déconstructiondésirante il y va de la libido comme valeur atextuelle des valeurs textuelles. D'où, à la limite, le déclin de l'écriture. - Une réserve. Comment la théorie peut-elle trancher l'indécidable de ces deux positions ? Sinon en se subordonnant en dernière instance, et contre toute instance, au désir - qui passe outre... F.L.
La guerre indo-pakistanaise et la naissance du Bangladesh ont révélé les enjeux et le terrain de la grande confrontation à trois : USA, URSS, Chine. Une étape s'ouvre : il y avait l'empire américain ; il faut maintenant compter aussi avec l'empire soviétique. Le deuxième monde a éclaté et, avec lui, des formules de révolution données pour infaillibles. Le tiers-monde passe des luttes d'indépendance et des rêves de Bandoeng aux années difficiles du multi-alignement, des guerres par relais, des révolutions sacrifiées. Le tournant est décisif, et il était important de faire le point sur l'évolution de ce modèle indien que la bourgeoisie locale, appuyée par les USA et bientôt par l'URSS, a voulu opposer au modèle chinois : plus de 20 ans après l'indépendance, où en sont les six cents millions de concitoyens de Mme Gandhi ? Quelles réalités sociales et politiques dissimulent les images pieuses répandues depuis si longtemps sur l'Inde : pauvre, résignée, non violente, etc. ? Qu'en est-il des diverses oppositions, légales et armées, du Kerala, du Bengale, des Naxalites, de ces foyers de luttes sans cesse rallumés sur des provinces plus vastes et plus peuplées que le Vietnam ou la France ? Au terme de plusieurs séjours, Philippe Gavi dresse un bilan de la condition actuelle et des perspectives d'avenir d'un cinquième de l'humanité.