Depuis sa fondation en 1794 par l'impératrice russe Catherine II, Odessa - tolérante et entreprenante - attire des élites cosmopolites, des déshérités et des Juifs persécutés de l'Empire en quête d'un refuge. La société juive naissante éprise de liberté oeuvre sans relâche sur le chantier odessite. Dès les années 1860, banquiers, intellectuels, artistes, bandits et « anonymes » écrivent pareillement le « modernisme » et les légendes colorées d'Odessa la Juive. Le XXe siècle, pris entre guerres et révolutions, sonne le glas de l'âge d'or des Juifs d'Odessa avec le retour des pogromes et des massacres de masse. Nombre d'entre eux repartent sur les routes de l'exil à la recherche de nouveaux ports d'attache : onze villes nord-américaines qui portent le nom d'Odessa accueillent et protègent leur « vieux rêve intime ». L'enjeu de cet ouvrage, à la croisée de la grande et de la petite histoire, est d'approcher l'espace de vérité de la ville d'Odessa entre cité de rêve et cité rêvée.
Ce livre est destiné à un large public afin de l'encourager à s'intéresser à l'histoire complexe des juifs de Pologne, de Lituanie, d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie ainsi que leur contribution à la vie juive et à la culture des sociétés les entourant. Il s'articule donc autour des problèmes liés à la forme des relations entre les juifs et leurs voisins et à la complexité du processus d'adaptation de ces populations au monde moderne pendant les deux derniers siècles comme explication au destin tragique des juifs durant le XXe siècle. Cependant, tant les essais des nazis visant à anéantir les juifs que les efforts de Staline ayant pour but de détruire leur culture se sont soldés par un échec. Les juifs habitent toujours en Europe de l'est et la culture qu'ils ont créée suscite l'admiration.
Texte traduit du polonais par Malgorzata Kobierska et de l'anglais par Patrick Hersant. Rédaction scientifique : Daniel Tollet.
Avant sa monumentale Histoire ecclésiastique, Claude Fleury a publié des ouvrages largement diffusés en Europe et en Amérique jusqu'au XIXe siècle. Les Moeurs des Israélites sont traduites en onze langues. Publiée en 1681 et profondément remaniée en 1682, cette oeuvre, dont voici la première édition critique, présente les deux versions et y ajoute les trois discours sur l'Écriture sainte, qui complètent ses Écrits de jeunesse. Les Moeurs des Israélites étudient les « antiquités bibliques » dans l'optique de l'humanisme chrétien en prenant la relève des propos de Fleury sur Platon et Homère et de l'Histoire de la poésie (1673), restée manuscrite. Lu dans cette optique, l'ouvrage dépasse le domaine de l'histoire et de la théologie et ouvre sur celui de la théorie littéraire.
Peut-on être à la fois féministe et nationaliste ? Les doctrines nationales, si elles ont toujours glorifié les femmes et leurs vertus, ne leur ont en réalité assigné qu'un rôle de reproductrices et d'éducatrices. L'émergence du sionisme, l'un des derniers avatars des nationalismes apparus tout au long du XIXe siècle, est concomitante à la fois de la modernisation des mondes juifs d'Europe centrale et orientale et de la remise en cause de la voie de l'assimilation. Or, ces évènements déterminants pour l'histoire du peuple juif n'ont pas seulement marqué le destin de sa partie masculine. De très nombreuses jeunes femmes juives ont en effet participé aux questionnements identitaires qui ont traversé le judaïsme à la fin du XIXe siècle. Certaines d'entre elles ont pris fait et cause pour le projet d'émancipation collective porté par l'idéologie sioniste. Cependant, la plupart de ces femmes se sont libérées de la tutelle masculine, accédant ainsi à un statut individuel bien peu conforme au modèle conçu pour la future femme nationale. Comment assument-elles un tel décalage ? Quels parcours se dégagent de ces expériences ?
La philosophie des Lumières dans l'exégèse de Moses Mendelssohn montre comment - à travers son commentaire hébraïque du Pentateuque - Mendelssohn (1729-1786) éclaire le Juif du ghetto en tant qu'homme (Mensch), puis prépare son émancipation en tant que citoyen (Bürger).
Pour Mendelssohn, les Lumières se rapportent à une connaissance rationnelle permettant de réfléchir sur les choses de la vie humaine. Les thèmes de l'exégèse - le langage, l'optimisme, le didactisme, l'immortalité, l'éthique, la religion naturelle, la critique biblique et l'anti-Messianisme - forment une première partie qui s'intitule " L'homme. " Une partie médiane " L'homme et le citoyen " traite de la séparation de l'Église et de l'État et de l'intégration des Juifs. Une dernière partie " Le citoyen " vise uniquement l'émancipation sociale.
Depuis deux millénaires, le judaïsme rabbinique a façonné une image idéalisée d'un temple, pour un dieu et un peuple, propre à renforcer la cohésion et l'unité d'une communauté déchirée par les heurts des premier et second siècles de notre ère. Ceci ne reflète pourtant ni la richesse et la complexité du judaïsme antique, ni la pluralité des manières d'être, de se sentir, et de montrer son appartenance. Plusieurs temples furent ainsi construits alors même que celui de Jérusalem était en service, par des communautés se réclamant du même dieu, celui d'Israël. En Égypte, à Éléphantine par des soldats-agriculteurs, à Léontopolis par un grand prêtre exilé ; sur le Garizim, près de Naplouse, par les Samaritains, bien avant leur séparation d'avec le judaïsme de Jérusalem. Aux différents lieux et époques répondent la même construction, en contradiction formelle avec les prescriptions bibliques, et la relative tolérance des autorités de la capitale. Loin d'être aussi marginales qu'on put le penser, ces trois aventures éclairent un vécu religieux ; leur réexamen, et une large synthèse tentant d'en comprendre les motivations, aideront tant les spécialistes que les lecteurs curieux de ce judaïsme si loin et pourtant si proche.
Morceaux édités par Menahem Mendel Slatkine. Traduction : C. Darmon. Préface : D. Tollet. Avant-propos : M.-É. Slatkine. Présentation : C. Bontems.
Bien qu'il ne couvre qu'une courte période, allant de 1788 à 1790, le Journal d'un rabbin lituanien du XVIIIe siècle présente un intérêt majeur pour la connaissance de la vie juive dans la Lituanie d'après le Premier Partage de la Pologne (1772). Tous les aspects de cette vie dans une bourgade juive y sont abordés : les rapports sociaux entre riches et pauvres, la place des femmes, le rôle des organes communautaires et caritatifs, le rôle des institutions d'enseignement. Surtout, le lecteur y découvre une communauté dirigée par la religion, par la plus grande fidélité possible à la Torah - la loi juive. Bien qu'à cette époque, le judaïsme askhénaze fût en pleine mutation du fait de la naissance du hassidisme et l'opposition du gaon de Wilno à ce courant favorisant la prière au détriment de l'étude, de la prolongation du mouvement sabbataïste messianique, dirigé par le pseudo-messie Jacob Frank et l'apparition des Lumières « berlinoises », la communauté de Radoshkovitchi semble isolée, à l'écart de toute cette agitation. Elle n'entretenait que de faibles contacts avec l'extérieur liés à la collecte des impôts, au passage de prédicateurs itinérants ou d'émissaires du gaon ; c'était surtout grâce à un marchand de livres itinérant qui apportait à la fois la culture et les nouvelles que notre rabbin savait ce qui se passait dans le vaste monde. Des Partages de la Pologne, des réformes de la Grande Diète (1788-1791) pas un mot.
L'ouvrage doté de nombreuses notes de bas de pages pour éclairer le lecteur non spécialiste du sujet est en outre augmenté de trois glossaires.
La notion d'élitisme dans l'Antiquité est un champ d'étude privilégié et fécond pour la compréhension des relations entre culture, sociétés et religions. C'est à partir de ce constat que l'équipe de recherche La Bible et ses lectures (UMR 8167, Orient et Méditerranée) du Département de recherche en Théologie et Sciences religieuses de l'Université Catholique de l'Ouest a approfondi son étude durant les quatre années d'un plan de recherche. Après une première publication sur Les élites dans le monde biblique (Bibliothèque d'Études juives no 32), les membres de l'équipe, historiens, exégètes, et théologiens, ont concentré leur attention sur le cas des élites paradoxales.
Le monde biblique regorge en effet de cas où l'élite en place est contestée au nom de valeurs qui la dépassent ; il présente aussi de multiples exemples de formation d'élites contestataires qui " débordent " des cadres institutionnels. Cherchant à mettre en évidence la multiplicité des lieux institutionnels ainsi remis en cause, l'équipe a orienté ses recherches vers ces franges qui font passer au premier plan des valeurs de transgression : au niveau social, exemplaire, moral, spirituel ou intellectuel.
Le présent ouvrage s'attache donc à l'étude de ce " jeu ", de cet écart constitutif entre une élite de droit (fondée sur des critères bien définis) et une élite de fait qui repose sur des valeurs plus ou moins subversives de l'ordre établi.
La Judée antique n'est pas un pays entièrement et exclusivement tournée vers des considérations d'ordre religieux. Les judéens y vivent pleinement à tous les niveaux : matériel, professionnel, affectif, psychologique, social. Ces différentes activités ont réclamé une préparation, donc une formation préalable, en un mot, une éducation. Quelles formes a revêtues cette éducation ? Quels en ont été les contenus ?
Et ceci, à supposer que l'éducation judéenne ait présenté toujours le même visage. Or on peut, à présent, affirmer que l'éducation collective publique n'est née que sous le règne de Salomé (74 à 63 av. JC environ) avec des contenus précis, des méthodes, une organisation, des équipes de maîtres. Avant cette date, c'est au hasard des relations plus ou moins fortuites entre les travailleurs qu'elle est assurée. De plus, on ne peut placer dans la même rubrique l'éducation réservée au peuple et celle assurée aux élites.
Et, surtout, quelle idée de l'homme les législateurs de ces temps ont ils tenté de transmettre par l'éducation ? Se soumettre à la moralité ambiante ? Répondre aux sollicitations sociales et matérielles de leur temps ? Est-ce que le Pentateuque, comme tel, est intervenu dans l'élaboration des contenus comme des méthodes ?
L'équipe de recherche La Bible et ses lectures du Laboratoire de Théologie et de Sciences religieuses de la Faculté de Théologie de l'Université Catholique de l'Ouest a choisi, en 2004, un programme de recherche portant sur Les élites dans le monde biblique. Au cours de réunions mensuelles, les membres de cette équipe ont tenté de définir quelles sont les élites du mo nde biblique (politiques ; religieuses ; culturelles), et de préciser leurs spécificités en comparaison avec les civilisations du Proche Orient Ancien. Ils ont aussi examiné leurs modes de formation, d'organisation et d'action. En février 2006, les membres de l'équipe ont examiné l'ensemble de leurs travaux au cours des années 2004-2006. Des collègues universitaires, Hedwidge Bonra isin (EPHE), Michel Meslin (Paris-Sorbonne), Jens Herzer (Université de Leipzig), Hindy Najman (Université de Toronto), et Laura Gusella (Monastère de Bose) ont participé à leurs échanges et présenté leurs propres recherches sur les thèmes retenus. Les échanges ont porté sur Les élites dans la Bible hébraïque, sur Les élites locales en Palestine et dans la diaspora au to urnant de notre ère, et sur Les élites dans les premières communautés chrétiennes. Ces échanges sur les travaux des uns et des autres ont fait apparaître une typologie des élites dans le monde biblique, qui n'a pas fait l'objet de travaux érudits. C'est pourquoi il a paru opportun de reprendre les divers textes examinés et d'en faire un ouvrage qui constitue une approche inédite d'une composante de la société du monde biblique
Les Juifs originaires d'Europe orientale partagent une langue et une culture : le Yiddish. Ceux arrivés à Paris au cours des années précédant la deuxième guerre mondiale et rescapés de la Shoah, tentèrent au lendemain de la guerre, de reconstituer une vie normale et de perpétuer la culture yiddish de leur pays d'origine.
Cette communauté et ses oeuvres n'ont pratiquement pas été étudiées, qu'il s'agisse de l'impressionnant réseau d'institutions mises sur pied, de leur presse quotidienne, probablement la plus abondante du monde en yiddish au lendemain de la guerre, ou des graves préoccupations purement juives qui surgirent dans les années de l'après-guerre, comme la résurgence de l'antisémitisme, la découverte des crimes soviétiques envers les Juifs ou la naissance et la lutte pour la survie de l'État d'Israël.
Cette étude présente plusieurs aspects originaux : l'accès à de nombreux documents internes d'organisations de toute nature, une étude quantitative du profil des quotidiens yiddish de Paris, et une analyse de contenu portant sur près de trente ans.
L'ouvrage, structuré en trois parties comporte une description multi facettes des Juifs yiddish de Paris et de leurs institutions. La deuxième partie est consacrée aux analyses des quotidiens. La couverture par ces journaux des préoccupations évoquées plus haut et la réaction de leurs lecteurs, font l'objet de la troisième partie.
Le retour en force de l'intérêt pour la langue et la culture yiddish devrait favoriser l'intérêt de cet ouvrage qui décrit ceux qui en furent sans doute les derniers militants.
Dans ce volume d'hommage au professeur Carol Iancu à l'occasion de son soixante cinquième anniversaire, outre la biographie et la liste des travaux du récipiendaire, trente quatre hommages ont été répartis selon huit thèmes : le judaïsme, des personnages juifs, des communautés juives, l'antisémitisme, le sionisme, les juifs et l'Arménie, la Roumanie et d'autres contributions sont rassemblées dans une rubrique varia. S'y ajoutent trois contributions introductives, d'ordre plus général et sur le Grand Rabbin de Roumanie, Alexandre Safran, haute figure du judaïsme roumain que Carol Iancu a particulièrement mis en valeur dans ses travaux.
S'ils se définissent et sont perçus comme une seule et même communauté, les juifs sont en fait de plus en plus divers dans le urs interprétat ions de cette appartenance commune. Les frontières de la judéité semblent plus floues aujourd'hui dans la mesure où celle-ci enregistre, comme d'autres appartenances, les effets des migrations et métissages culturels contemporains. Si l'histoire tient un r ôle majeur pour la compréhension pluriséculaire de la judéité, il appartient à la sociologie et à l'anthropologie sociale de saisir les bouleversements en cou rs. C'est à cette tâche, entre bilan et perspective, entre élaborations théoriques et enquêtes de terrain, que cet ouvrage rassemblant des spécialistes de ces deux disciplines s'emploie.
S'il est de coutume d'opposer, dans de nombreuses traditions religieuses, les domaines de la Loi et de la mystique ou de l'ésotérisme, le judaïsme se montre rétif à une telle dichotomie. La distinction existe certes, mais ce sont en règle générale les mêmes figures rabbiniques qui s'adonnent tant à l'étude talmudique et halakhique que kabbalistique. Plus encore, les deux disciplines s'influencent beaucoup plus qu'on n'a tendance à le présumer. À partir de la diffusion du Zohar, les décisionnaires séfarades et orientaux n'hésitent pas à mobiliser, conjointement au Talmud et souvent contre les commentateurs médiévaux, les sources kabbalistiques comme source de loi et de coutume. Cette irruption du corpus ésotérique dans le champ légal amène les autorités savantes traditionnelles à repenser la structure du corpus rabbinique et, au-delà, à dessiner une philosophie de l'histoire juive qui progresserait au rythme de l'interprétation croissante de la kabbale et de la halakha.