" Dans Mythologies, Roland Barthes nous donne un extraordinaire ouvrage, profond et cruel, rigoureux, parfois excessivement, d'une écriture à la fois géométrique et pleine d'humour, où l'homme moderne nous est implacablement envoyé, comme un pantin trop bien articulé. "
Jean Lacroix, Le Monde
" On sort changé de la lecture d'un livre comme celui-là, et je gage que la pensée et le style de Barthes auront une influence considérable sur les jeunes écrivains de notre temps. "
Guy Dumur, Médecine de France
" J'admire l'intelligence avec laquelle Barthes renverse la toile peinte de ce siècle et discerne, sous les apparences, les réalités. "
Morvan Lebesque, Le Canard enchaîné
" On le lit avec passion et dans le sentiment à peu près constant de la découverte. "
Maurice Nadeau, France-Observateur
" Ce livre courageux, essentiel, extraordinairement intelligent, me semble devoir marquer profondément son sillon dans l'histoire de la pensée moderne. "
Jean Rousselot, Nouvelles littéraires
"Peter Brook n'est pas seulement un metteur en scène et pas seulement un théoricien, même pragmatique, du théâtre. Sans l'avouer, du moins dans ce livre, il a de plus grandes ambitions. Le théâtre est pour lui, à coup sûr, une fin. Mais il est aussi le moyen de fonder et d'entretenir une communauté d'hommes et de femmes capables de porter atteinte, par leur seul exemple, à un ordre établi, d'apporter une inquiétude et un bonheur que d'autres arts du spectacle, trop dépendants des forces économiques qu'ils pourraient dénoncer, ne peuvent faire éclore.
Voici un livre indispensable à ceux qui aiment le théâtre et à ceux qui ne l'aiment pas. A ceux qui en font et à ceux qui y assistent. Car il y est autant question du public que des interprètes, acteurs ou metteurs en scène, grâce auxquels le théâtre, écrit ou non écrit, peut vivre."
Extraits de la préface de Guy Dumur
Ce que Racine exprime immédiatement, c'est donc l'aliénation, ce n'est pas le désir. Ceci est évident si l'on examine la sexualité racinienne, qui est de situation plus que de nature. Dans Racine, le sexe est lui-même soumis à la situation fondamentale des figures tragiques entre elles, qui est une relation de force.
Le sexe est un privilège tragique dans la mesure où il est le premier attribut du conflit originel : ce ne sont pas les sexes qui font le conflit, c'est le conflit qui définit les sexes.
Roland Barthes (1915-1980)
Écrivain, critique, essayiste, Roland Barthes a élaboré une pensée critique singulière en constant dialogue avec les discours théoriques de son temps et en rupture avec les discours institués. La formidable querelle entre Anciens et Modernes qui suivit la publication du Sur Racine en 1963 atteste le rôle fondamental qu'il joua au sein des grandes ruptures opérées par la pensée contemporaine. Il est notamment l'auteur du Degré zéro de l'écriture (1953) et de Fragments d'un discours amoureux (1977).
La poésie moderne "enfonce" le monde et l'esprit pour y appréhender un sens enseveli. Elle naît de la profondeur multiple ; elle la mime, l'anime et l'opère, comme physiquement, par le jeu de son langage.
Ces essais, consacrés aux œuvres de Nerval, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, s'efforcent de saisir un moment originel de la création littéraire. Ils tentent d'analyser les quelques bonheurs d'expression à travers lesquels tout écrivain découvre sa voix et sa vérité d'homme.
Les trouvailles contemporaines masquent (ou bien révèlent ?) une énigme de toujours : la musique est-elle science ou art ? Quels sont ses éléments : signal physique ou signe d'un langage ? Mais la musique est-elle un langage ? D'ailleurs, de quelle musique s'agit-il : occidentale ou primitive, concrète, électronique ?... Y a-t-il des musiques singulières ou une musique plurielle ?
Pierre Schaeffer répond que la musique est une architecture qui parle. Il s'agit, avec elle, de mettre en corrélation deux sortes de connaissances : celle de la Nature et celle de l'Homme.
On ne s'étonnera donc pas que l'auteur tourne autour de l'objet musical et le présente sous ses divers aspects. L'approche est successivement historique, linguistique, physique, philosophique, méthodologique, "acoulogique", musicale. On en arrive à une double conclusion : du concours des disciplines surgit une méthode propre à la musique, destinée à renouveler le solfège traditionnel et à fonder les musiques dans leur généralité. D'autre part, un tel itinéraire mène à son tour aux passages hermétiques - à moins qu'ils ne soient occultés par le respect humain - entre science et art, ces deux moitiés de l'expérience humaine.
Aussi est-il de la vocation d'Orphée, sinon de résoudre l'énigme, du moins de l'affronter et de répondre à l'espoir que mettent en lui des créatures encore sauvages : qu'une réponse des choses soit donnée à la question des hommes.
Onze études sur la poésie moderne
Pierre Reverdy, Saint-John Perse, René Char, Paul Éluard, Georges Schehadé, Francis Ponge, Guillevic, Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Philippe Jaccottet, Jacques Dupin.
Quel est le projet de ces études ? Saisir la création littéraire à son origine, surprendre la conscience poétique au moment où elle se découvre à elle-même dans l'aventure d'un monde et d'un langage. Pour chacun des poètes considérés, l'auteur a tenté de dessiner les grandes lignes de son univers imaginaire : système de sensations favorites, de formes préférées, d'images récurrentes – paysage mental né du paysage réel, et l'inventant cependant, le réarticulant dans un espace neuf de mots et de choses.
Jean-Pierre Richard
Professeur, de 1969 à 1984, aux universités de Paris-Vincennes puis de Paris-Sorbonne, critique littéraire influencé par la phénoménologie et la psychanalyse, il a introduit la matière et la sensation dans les études littéraires.
Balzac, Hugo, Lamartine, Vigny, Musset, Guérin, Sainte-Beuve : pour chacun de ces grands écrivains romantiques, Jean-Pierre Richard a voulu dessiner le paysage qui lui était propre : ce monde singulier de sensation, de rêverie, d'écriture, où se retrouve, chaque fois différent, le plaisir de la lecture.
Pour la phénoménologie, a-t-on dit, "les sens ont un sens" : si elle a raison, c'est bien ce "sens des sens" que ces études tentent de repérer, d'amener progressivement au jour.
Lacan, Foucault, Derrida, Nerval, Rimbaud, Balzac, Flaubert et H. James sont ici convoqués autour d'une même question : qu'en est-il des rapports de la folie et du texte littéraire ? Du signifiant folie, ce livre recherche non pas tant le sens que la force ; non pas ce qu'il est (signifie) mais ce qu'il fait - les actes textuels et les événements énonciatifs qu'il déclenche et auxquels il donne lieu. Et ce n'est pas par hasard si ce faire de la folie, Shoshana Felman le cherche dans des textes tout autant théoriques que poétiques ou romanesques. Alors que, souvent, on croit qu'il est donné à la théorie de savoir et à la littérature de faire, on voit ici que la folie déjoue ce partage, en révélant dans la littérature un savoir et, dans la théorie, un acte. Au terme, on ne dira pas seulement que la littérature nous informe sur la folie, mais que la folie ouvre un nouvel aperçu sur la spécificité de la chose littéraire.
Qui sont ces Lesbie ou ces Corinne, les héroïnes dont nous parlent les élégies de la Rome antique ? Quel est le monde qu'elles nous décrivent ? D'où vient ce sentiment d'étrangeté que l'on éprouve à les lire ? Comment un écrivain peut-il faire entendre un accent de sincérité tout en nous infligeant de longs morceaux conventionnels - mythologiques notamment ?
Devant ces apparentes incongruités, Paul Veyne pose aux textes une question essentielle et pourtant absente de la critique : Comment étaient-ils lus, reçus ? Quel contrat proposaient-ils au lecteur ? De quelle esthétique, aujourd'hui disparue, relèvent-ils ?
La réponse consiste à rapprocher l'élégie de la bucolique, qui met en scène avec le même artifice des bergers imaginaires jouant du pipeau. Véritable " pastorale en costume de ville ", l'élégie se révèle être un monde où l'on fait semblant, avec humour, d'être amoureux, un peu comme dans une baraque foraine, on joue à se faire peur.
Demande-toi, se dit le narrateur - au moment où il interrompt une autobiographie déjà bien esquissée - ce qu'on veut faire croire quand on écrit. Entre Achille et la tortue, entre les mots et les choses, entre soi et soi, il y a toujours un écart, que les croyances littéraires se chargent de combler.
Décrivant les expériences de l'interruption et de la distance chez Rimbaud ou Kafka, de la désorganisation chez Valéry, l'obsession bergsonienne de la lettre branchée sans intervalle sur l'intériorité, les représentations fantasmatiques de l'écrivain que Breton, Artaud, Fondane ou Jünger héritent du XIXe siècle, la double contrainte romantique de l'ici et du là-bas chez Peter Handke, le double jeu du statut réel et de la statue imaginaire produite par l'écriture chez les héros et héroïnes de la modernité (Apollinaire, la NRF, Blanchot, Sollers), la relation ambiguë de Gide et d'un écrivain prolétaire (Maurice Lime), le contrat métaphorique que signe le poète voué à l'activité performative, Daniel Oster explore les données médiates de la conscience littéraire et des légitimations par lesquelles elle voudrait échapper à sa contingence.
Parce qu'elle s'inscrit dans le discontinu, l'infinitésimal, les quantités évanouissantes, la relation de l'écriture - au vrai et au réel - est toujours improbable. « Pour autant que les propositions mathématiques se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, pour autant qu'elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité » (Einstein). On peut en dire autant de la littérature, lieu d'expérimentation des espaces inconciliables, des discontinuités psychiques, des bifurcations et des conflits.
« Passages de Zénon » tente de décrire, dans le même mouvement, ce triple espace de la littérature, du mental et du paysage : espaces critiques, où l'ironie de l'auteur - proche d'Isidore Ducasse et d'Edmond Teste - libre de tout dogmatisme, fait merveille.
" Autour de moi, s'étalait des piles de disques, où s'inscrivaient les fragments de cette matière décomposée, rapetissée et agrandie, désossée, inversée, éclatée, pulvérisée. J'étais comme une enfant qui a vidé le son de son ours, arraché les yeux de sa poupée et démantibulée son train mécanique. Il fallait bien que je m'avoue que je venais d'inventer d'extraordinaires techniques de destruction, mais que tous les essais de synthèse me claquaient dans les doigts. Il y avait d'autre part, à chaque instant de mes démarches, d'impitoyables contradictions qui surgissaient. Les objets sonores proliféraient mais leur multiplication insensée n'apportait aucun enrichissement, du moins au sens où les musiciens l'entendent : l'idée musicale, ou l'ombre de d'idée qui demeurait à travers ses contorsions inchangées, et que de formes biscornues, que de variantes concrètes pour la même idée ! Ces variations elles-mêmes étaient contradictoires, trop musicales et pas assez, trop parce que la banalité de l'écriture initiale persistait, pas assez parce que la plupart de ces objets sonores étaient cruels, offensants pour l'oreille. "
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
En perdant la Prairie, l'Amérique a trouvé son roman et perdu son idéal. Paradoxe puritain dont naît la littérature et meurt le libéralisme américain. Sur ce thème de l'innocence perdue, le Nouveau-Monde s'est donné une épopée que lui envie l'Ancien : le roman américain, qui est moins une esthétique qu'une protestation des remords et des espoirs d'une nation jamais satisfaite de sa liberté ni de ses dieux. Cette anatomie du roman américain n'est pas seulement une étude littéraire, mais une recherche des faits sociaux, politiques et psychologiques qui expliquent l'évolution du roman américain de Cooper à Updike, de Mark Twain à Truman Capote. Avant d'étudier séparément les quinze plus grands romanciers américains, Jacques Cabau essaie dans une première partie de saisir le fil d'Ariane qui conduit des westerns de Cooper aux exquises raretés de Salinger. Sur la piste du roman américain, l'auteur ne néglige ni romans policiers, ni best-sellers, ni science-fiction, pour mieux faire comprendre comment le roman américain est la voix d'un peuple tout entier, et comment la crise du libéralisme américain faillit, entre 1930 et 1960, entraîner dans une même catastrophe le pays de la liberté et son roman. Au terme de cet essai, la révolution d'hier, celle d'Hemingway et de Dos Passos, paraîtra peut-être moins radicale que celle d'aujourd'hui. En pleine crise, le roman américain contemporain, de Norman Mailer à John Updike et de Bellow à Salinger, ouvre de nouvelles perspectives où l'esthétisme et la psychanalyse, le mysticisme et les drogues hallucinogènes partent à la conquête d'une nouvelle Prairie.
Pourquoi Moeurs ? Qu'a donc l'écriture à voir avec les usages, Joyce avec ces messieurs de Saint-Vincent-de-Paul, le célibat de Flaubert avec les bibliothèques de Julien Sorel ou la frénésie des pompiers américains ? Triple attentat : à l'ethnologie dont ce recueil conteste le monopole ; à la critique traditionnelle, intraitable sur la séparation des genres ; aux entreprises théoriciennes qui, depuis quelque vingt ans, escamotent le monde et ses pièces à conviction : le sens, la figuration, le vécu. Pourquoi ne serait-il pas ethnologue celui qui, sans passer par les baguettes de la scientificité, ouvre son livre à l'irrédentisme des attitudes et des coutumes, entre ce qui constitue la mode et ce qui la décompose ? Quels qu'aient été les lieux et les sujets de mon attention - un roman de Balzac, une maison de Sidi-Ameur, une paroisse bordelaise -, éprouvant un sentiment d'égale présence et dignité, je m'entretenais avec eux sur le mode intempestif du désir. R.K.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Dans la trilogie "Charges d'âmes", voici le deuxième opus de Luc Estang qui nous plonge dans l'univers du petit séminaire : une année scolaire à Saint-Wandrille avec Elie, Antoine, Jean, Adrien, Sosthène, l'abbé Filâtre... l'occasion de découvrir l'entremêlement de ces différents destins.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Le degré zéro de l'écriture
" C'est parce qu'il n'y a pas de pensée sans langage que la Forme est la première et la dernière instance de la responsabilité littéraire, et c'est parce que la société n'est pas réconciliée que le langage institue pour l'écrivain une condition déchirée. "
Roland Barthes
Roland Barthes (1915-1980)
Intellectuel, écrivain et théoricien de la littérature, par la publication en 1953, de son premier livre, Le Degré zéro de l'écriture, il s'est imposé comme l'un des penseurs parmi les plus importants de la modernité.
"J'ai maintes fois été étonné, dit Baudelaire, que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur : il avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire..." De cette phrase est né en 1946 le "Balzac visionnaire" d'Albert Béguin qui eut un grand retentissement dans le monde des exégètes de "la Comédie humaine", et qui fit lire Balzac avec des yeux neufs. On y vit que Balzac ne pouvait être réduit au rôle de premier romancier réaliste, naturaliste, et qu'on ne rendait pas compte de toute "la Comédie humaine" en la limitant à l'État civil d'un millier de personnages. Pour Béguin, il y a un lien étroit entre le monde intérieur et le monde surnaturel de Balzac, entre les oeuvres-mythes "Melmoth", "Séraphîta", "Louis Lambert"... ou les récits symboliques "La fille aux yeux d'or" et les romans d'apparence réaliste. Car "le monde réel ne paraît si réel que parce qu'il est la surface transparente de l'autre". Puis, de 1949 à 1953, Albert Béguin dirigea l'édition en seize volumes du Club français du Livre, qui donnait des romans de Balzac une lecture chronologique ; il écrivit des préfaces pour seize de ces romans. Enfin, il préfaça deux autres romans de. Balzac, au Club des Libraires de France. Albert Béguin rêvait d'écrire un deuxième Balzac, car Balzac l'a accompagné toute sa vie. La mort l'en a empêché. Il fallait au moins réunir ces préfaces et ce "Balzac visionnaire" que Gaëtan Picon présente aujourd'hui avec une lucide admiration.
Cet ouvrage réunit neuf essais, composant une nouvelle série de réflexions sur le langage poétique ; lesquelles viennent compléter, développer, approfondir les Notes sur la poésie parues dans la même collection en 1970 et la première partie, intitulée Une situation particulière, des Notes sur la foi parues en 1973 chez Gallimard. L'un des plus importants poètes d'aujourd'hui analyse - sans éluder les contradictions inhérentes à sa pratique de ce qu'il appelle une autre parole, ni les questions que lui posent les rapports de cette parole avec le sacré, la mystique, la foi, la théologie et l'action - les mouvements d'une double expérience (poétique et religieuse), en état constant de recherche et d'interrogation, dont il nous offre aussi bien, pour le moment, la synthèse. À propos de Notes sur la poésie : il est rare aujourd'hui que, pour parler de son art, un poète ne se croie obligé d'user d'un vocabulaire, ou scientifique ou particulier, dans lequel le profane n'a habituellement accès qu'après une difficile gymnastique. On pénètre dans l'essai de Jean-Claude Renard sans avoir à franchir tant d'obstacles...
Bernard Dort reprend ici son interrogation sur la grande transformation des rapports entre le texte, la scène, la salle et la société qu'a connue le théâtre au XXe siècle. Il marque d'abord la grandeur et les limites des entreprises qui ont dominé l'activité théâtrale de ces trente dernières années : de L'impossible projet de Jean Vilar à l'oeuvre de Brecht définie comme intervenante - sans oublier le rêve d'Artaud, de faire du théâtre la réalité véritable. Mais, surtout, il analyse, à travers les spectacles capitaux des années 70, aussi bien les essais d'un théâtre cherchant à se mettre à nu comme re-présentation que la volonté de conjuguer la fête et l'histoire, qui est celle du Théâtre du Soleil, comme d'ailleurs elle le fut de nombre de groupes de l'après-mai 68. Et il privilégie ce qui lui apparaît comme le trait dominant du théâtre actuel : le retour de l'acteur, avec une redécouverte des pouvoirs du jeu - dont témoignent, pour différents qu'ils soient, Antoine Vitez et Dario Fo. Théâtre en jeu s'achève sur un panorama de l'activité théâtrale dans le monde, de 1970 à 1978. Interrogation d'un théâtre en incessante métamorphose, qui ne saurait vivre que sur la corde raide.
Après plus d'un demi-siècle d'exégèses, Mallarmé reste pour nous tout aussi énigmatique et fascinant. Cette énigme, cette fascination, Jean-Pierre Richard s'est proposé, non point de les expliquer, mais de les comprendre. Il a adopté pour cela une perspective assez nouvelle : tout en utilisant avec un soin minutieux les résultats de l'érudition mallarméenne, il a voulu, selon les procédés de la critique moderne, retrouver, en profondeur, les formes essentielles, les structures ou "motifs" dominants autour desquels Mallarmé a pu rêveusement constituer son univers.
Ces motifs il les a recherchés dans les "en-dessous" de l'imagination et de la sensibilité ; ainsi, en même temps que se constitue un véritable musée imaginaire, s'esquisse une psychanalyse des matières favorites de Mallarmé : glaces, feux, gazes, écumes, eaux limpides... ou des ses formes préférées : jets d'eau, corolles, ongles, feux d'artifice... On saisira à travers les pages de cet essai l'intention poétique d'objets fétiches tels qu'éventail, miroir, danseuse, lustre, grotte, diamant, foule ou papillon ; on apercevra la signification des rythmes, des essences dynamiques : ainsi le fané, le déchu, le jaillissement, l'aller-retour, le suspens ; des modes d'expression : mot, vers, poème, livre, à travers lesquels se poursuit un même projet existentiel. Ce projet, à qui vise-t-il exactement ? Quels sont le but, le message final de la poésie mallarméenne ?
Il a semblé à l'auteur de Poésie et Profondeur et Littérature et Sensation que Mallarmé était plus simple, plus ingénu qu'on ne le dit souvent, ou du moins qu'il tendait de tout son raffinement à la découverte d'une telle transparence : le vrai bonheur mallarméen n'étant pas celui d'un vide en lequel l'univers voudrait s'anéantir, ni celui d'une éternité sans forme ni saveur, mais celui d'une vie qui jouirait en toute conscience, en tout savoir, de la seule grâce qui lui soit évidemment accordée, celle de vivre.
Parlant d'un écrivain, qu'appellerons-nous son paysage ? D'abord l'ensemble des éléments sensibles qui foment la matière et comme le sol de son expérience créatrice. Ce décor peut, on le sait aujourd'hui, être interprété. Chez Chateaubriand par exemple, à travers la hantise du vide, le sentiment d'un objet inconsistant ou effrité, la recherche des écarts, des déhiscences, à travers aussi les images obsédantes du père, du roi, de la soeur, on lira les grandes lignes d'un projet : celui d'être, comme il l'écrit lui-même, un "homme de la mort" et "aimé d'elle", membre de ce "troupeau choisi qui renaît".
Mais comment renaître d'un néant qu'on a dès l'abord élu pour sa demeure ? En se fabriquant certaines figures concrètes de réanimation du négatif (ici l'écho, la provocation sensible, l'effluence, le souvenir, l'histoire). Et surtout en écrivant. Car tout grand écrivain meurt et renaît par la littérature. Voici que s'offre alors un deuxième sens possible du mot paysage : le paysage d'un auteur c'est aussi peut-être cet auteur lui-même tel qu'il s'offre totalement à nous comme sujet et comme objet de sa propre écriture. C'est en somme cet espace de sens et de langage dont le critique essaie de manifester la cohérence unique, de fixer le système, - sans avoir pourtant jamais fini d'y cheminer.
Jean-Pierre Richard
Un homme dépossédé par la guerre, l'occupation, la déportation, de ce qui lui constituait son but et ses moyens, essaie de se réadopter et de se posséder de nouveau. Pays de Rigueur est le journal du douloureux noviciat de Boris Bouïeff. "Lui qui pourrait, avec le récit de sa vie, composer un livre de drames, de surprises, de rencontres étranges et qui a connu toutes les extrémités de la fortune, il préfère ne nous livrer que de très précieuses et toutes pures cristallisations où presque rien n'apparaît des larmes versées, ni du sang vomi, ni du pus, ni de cette rosée sombre qui depuis l'agonie du Christ n'a cessé d'empourprer le front de ses élus". François Mauriac (Préface)