Ne jamais sortir de chez soi en pantoufles avec ses clefs à l'intérieur ! Ou alors être prêt à l'aventure urbaine et sociale. Le héros de cette épopée urbaine va éprouver le pouvoir de ses charentaises et de quelle manière sa vie, pourtant si banale, peut en être changée. Face à ses collègues de travail, sa famille, ses amis, les forces de l'ordre, voire la confrérie des farfelus, il se lance pendant plusieurs jours dans un combat inattendu pour imposer sa si tranquille façon de marcher et de regarder les gens, à hauteur de chaussettes. Ce numéro de funambule s'achèvera devant un spectacle de Guignol, joliment.
Bobby s'enfuit?: à trente et un ans, avec son air d'enfant éternel, il veut échapper au « Gros », son horrible beau-père qui le martyrise. Le camionneur qui le prend en stop s'improvise assassin en écrabouillant un pauvre lapin, geste qui lui est fatal. Surgit alors un petit homme qui, sans se préoccuper du misérable gisant dans l'herbe, se penche sur la petite créature et lui creuse une sépulture. Monsieur Summers fait ainsi une entrée miraculeuse dans la vie du fuyard qu'il va prendre sous son aile, l'initiant à ses rituels de mise en terre de tous ces petits animaux victimes de l'insouciance ou de la cruauté des humains.
Le long des routes et au milieu des forêts, sur les plages de Cornouailles, ils vont mener sans répit leur invisible croisade, quand une idée peut-être un peu grande pour eux va jaillir.
Ce roman, que Roald Dahl a qualifié d'extraordinaire à sa sortie, possède la grâce des livres venus de nulle part qui vous conduisent vers un ailleurs aussi familier qu'inquiétant.
Dans ce recueil nous avons souhaité réunir, à côté de la sublime et très drôle nouvelle La plus belle histoire du monde, quelques textes témoignant du génie comique et insolent du grand Kipling, paradoxalement trop méconnu des Français. Utilisant le registre du fantastique, il se penche notamment sur les ressorts de l'inspiration littéraire qui trouve souvent ses sources dans les détails les plus prosaïques que l'artiste seul peut transcender : il faut parfois un ensemble de coïncidences et de contingences pour que naisse une oeuvre d'art. Et le recours au merveilleux est parfois nécessaire si l'on veut toucher au sublime. C'est le sens de la première longue nouvelle qui ouvre le livre, un chef-d'oeuvre qui mêle étrangeté, humour et réflexion sur la création, un miracle littéraire en somme.
Vagabond raisonneur au langage fleuri, Batiss' refuse de s'insérer dans la société. Il parcourt les routes librement, et accomplit des péripéties plus ou moins honnêtes : larcins, braconnages, aventures sentimentales éphémères.
C'est sur l'abrupte côte normande chère à Flaubert et Maupassant, aux environs d'Étretat, qu'Éric Chevillard, poète aux semelles de glu, comme il se désigne, a décidé d'affronter enfin sa peur du vide. C'est que l'on ne peut impunément se laisser traiter par sa fille de craintif des falaises sans réagir. Qu'est-ce d'ailleurs que cet animal ? Un quadrupède gauche et titubant qu'une malédiction a fait naître sur les crêtes où il ne sait pourtant que défaillir. Par bonheur, l'auteur a la main plus agile et plus ferme que le pied et il se fait le conteur de son martyre inavouable, aidé dans sa quête de vérité par tous les écrivains qui l'ont précédé sur les sentiers à risque.
Le talent d'Achille pour composer des plats aussi savoureux qu'inattendus n'est plus à prouver aux Italiens qui le placent haut dans le panthéon des auteurs importants du XXe siècle. Celui de Campanile reste encore ignoré des Français qui méritent enfin d'apprécier l'humour sans limites de cet écrivain aussi à l'aise dans les saynètes surréalistes que dans l'analyse psychologique des ridicules de ses contemporains. Car il n'épargne personne et surtout pas lui-même.
Amoureux de l'Italie, prenez de la hauteur et place à sa table : vous y trouverez, en souriant, tout ce qui fait le sel et le poivre d'un peuple qui sait faire une histoire d'un rien et de ses petits riens une épopée. C'est allègrement perfide, c'est finement délirant.
Un plat national !
Paul Gégauff jugeait que Rébus était le meilleur de ses romans, en tout cas son préféré. Paru en 1957 chez Minuit, il témoigne autant de l'excentricité de son auteur que de son style, toujours éclatant. Il met en scène Rodolphe, jeune homme riche qui s'ennuie et qui décide un beau jour de convier ses amis pour le déménagement de longue haleine de sa baraque de 23 pièces classée monument historique. Il est surtout question de "faire la noce" et de balancer par la fenêtre le mobilier. Il s'agit aussi de se livrer à un joyeux saccage de l'ordre bourgeois et de passer au laminoir autant les objets que les idées. Mais n'y a-t-il pas quelque danger à vouloir tout détruire ? En voulant aller au bout de son défi, la bande va dangereusement se diriger vers un précipice, ou simplement un trou...
Dans la merveilleuse traduction du «Prince des humoristes», Gabriel de Lautrec, voici presque dix contes du précurseur de l'humour américain, celui qui a inventé un ton, un style, donné ses lettres de noblesse à la langue populaire, Mark Twain, génie pince sans rire qui nous fait rire plus de cent ans après sa mort.
«Enfiler des détails incongrus et absurdes sans but, et ne pas avoir l'air de s'apercevoir que ce sont des absurdités, telle est la base de l'art américain», écrivait-il, telle est sa base surtout lui qui enchaîne avec une vivacité primesautière les histoires les plus burlesques sur le ton le plus sérieux. La vie est exaspérante, c'est une bonne raison d'en rire. L'échec est bien plus garanti que le succès, autant s'en gausser, pour se hausser...
Incendiaire volontaire qui brûle pour la littérature, ne rendant de compte à personne sinon à un Dieu terriblement absent, Léon Bloy a mis tout son furieux génie dans ces trente contes ; implacables et hilarantes nouvelles où l'horreur se conjugue au familier, et où, sans jamais se départir d'une distinction grammaticale, il nous fait douter de son sérieux jusqu'au moment de l'explosion. Cet enragé, revenu d'un temps qu'on croyait disparu, pointe sur notre globe affolé sa griffe moqueuse : malheurs et turpitudes sont notre lot et ne valent qu'éclats de rire. « Je le confesse, avoue-t-il, il n'est pas en mon pouvoir de me tenir tranquille. Quand je ne massacre pas, il faut que je désoblige. C'est mon destin. J'ai le fanatisme de l'ingratitude. »
Howard Fast s'est fait une réputation avec des ouvrages engagés et combatifs comme Cour martiale ou Spartacus. Pour alimenter la flamme de ses convictions humanistes et exposer ses inquiétudes, il s'est commis dans le mauvais genre de l'anticipation composant un unique recueil afin de montrer du doigt les égarements de l'humanité que ses tentations nihilistes conduisent au néant. Ecrites en pleine ère du danger atomique, alors que la conquête de l'espace est devenue une réalité tangible et non plus une construction imaginaire, les quatre nouvelles qui composent ce recueil posent la question cruciale du progrès. Que laisserons-nous à ceux qui nous succèderont, s'ils parviennent seulement à naître ? Ironique, grinçant, paradoxal, brillant, Fast s'est affirmé en un seul recueil.
Demandez à Ski ce qu'on disait l'autre jour chez Chevillard, à deux pas de nous, quand vous êtes entré dans ma loge. (Proust, La Prisonnière) On oublie un peu que Chevillard avait trouvé sa place dans la Recherche de Proust. Il n'était que temps de voir l'auteur de L'Autofictif rendre la monnaie de sa pièce au grand écrivain dont on célèbre un centenaire en 2023.
Éditée par Minuit en 1948 mais écrite bien plus tôt, David fait partie des oeuvres méconnues de Dhôtel alors qu'elle en est la quintessence. On y suit depuis son enfance un orphelin misérable qui a choisi de dire non à toutes les chances qu'on lui offre, cousin campagnard de Bartleby : «je ne peux pas m'expliquer» dit-il. Libre, sans hiérarchie, sans révolte et sans le sou, il avance, ne rendant de compte à quiconque, même si un homme riche lui propose d'en faire son héritier.
«Lire un roman d'André Dhôtel revient à plonger dans un mystère, mais un mystère limpide, net, le contraire du brouillard, ce qui est loin d'être le seul paradoxe de cette prose si singulière et captivante.» «Il a une place unique dans le roman actuel, un grand livre, une sorte de féerie minutieuse.» (Henri Thomas)
Mousse embarqué de force sur un bateau où l'équipage ne lui épargne rien, le narrateur de cette histoire raconte sa vie en mer, entre les privations, les sévices et la cruauté des marins, mais sous la protection du cuistot. Ce dernier comprend vite qu'avec le vent qui tombe se préparent des temps terribles et que la vie sur un galion immobile va devenir un enfer.
C'est ainsi que débute un des romans fantastiques les plus saisissants de la littérature française, transformant une aventure maritime en conte initiatique : dans le sillage des deux rescapés fascinés par la montagne qui domine l'île où ils ont échoué et qui semble avoir été désertée par les humains, un univers aussi fabuleux qu'inquiétant émerge de la roche.
À l'ombre d'un père immense, un seul livre, posthume, a permis à Michel Bernanos, de se faire un prénom. La Montagne morte de la vie est de ceux dont les images et les visions vous poursuivent toute une vie.
L'Histoire sait bien quoi faire de ceux qu'elle n'arrive pas à classer ni dans le camp des vainqueurs, ni dans celui des vaincus : elle les élimine et les enterre.
Arnaud Maïsetti, fasciné par ce continent imaginaire qu'est le Canada, a rencontré le fantôme d'Etienne Brûlé, un gueux mystérieux qui fut aux côtés de Champlain dans sa conquête inattendue de ce qui deviendrait le Québec dont il fonda la ville éponyme. Comment expliquer que ce jeune garçon engagé comme mousse soit devenu le véritable découvreur de ce territoire incompréhensible pour les Blancs, le premier interlocuteur de ceux que l'on nommerait "Indiens", le premier arpenteur d'un espace inviolé ? C'est le défi de ce roman brûlant qui se perd sur les traces d'un oublié de l'Histoire pour en réinventer le mystère.
Autonome des lettres, le trimardeur Marc Stéphane fut l'inventeur d'un langage que les lecteurs de 1928 vont découvrir (avec 20 ans de retard) abasourdis, précurseur du Voyage d'un certain Céline... Une oeuvre dont la langue paraissait à Henry Poulaille « d'une verdeur splendide qui n'a pas encore ni de nous tenir en haleine ». La Cité des fous est l'incroyable association de ce langage et d'un témoignage halluciné sur une prison camouflée en hôpital. Difficile de sortir indemne d'une telle plongée.
Ce petit volume rassemble deux nouvelles cingantes et ironiques comme seul D.H.Lawrence savait les trousser. Elles proviennent du recueil The Lovely Lady et illustrent une thématique chère à l'auteur du Serpent à plumes. En s'inscrivant dans la tradition britannique des miniatures incisives dans lesquelles les auteurs exercent leurs talents aux dépens de leurs pénibles concitoyens, se livrant aux joies de l'analyse, voire de la psychanalyse, Lawrence reprend cet art de la touche allusive, presque poétisantes, en y ajoutant son sens de la cruauté.
La première nouvelle, La charmante dame, nous expose un cas exemplaire, un type de femme presque monstrueuse qui parcourt la littérature anglo-saxonne et dont on trouve des échos jusque chez Tennessee Williams. La beauté, la grâce, l'éducation raffinée mettent horriblement en valeur la méchanceté impériale de cette mère qui, telle une mante religieuse, broie et élimine ce qu'elle prétend aimer et protéger.
Dans Mère et fille, à rebours du premier texte impitoyable dans sa conclusion, la victime se rebelle et trouve l'énergie pour échapper dans le même mouvement au célibat et à la férule pénible de sa mère, en s'offrant le luxe d'un mari susceptible de révulser totalement le snobisme de cette dernière. Savoureux, espiègle, ou perfide au choix.
Victor Bâton vit dans l'obsession de se faire des amis. Trentenaire qui tire le diable par la queue mais se refuse à travailler, il subsiste de sa pension et parcourt la ville dans des vêtements usés qui ne le rendent guère séduisant. Pourtant il s'accroche à chaque rencontre, se fait un espoir de chaque regard et n'en finit pas de s'inventer un avenir qu'une magnifique amitié illuminerait. Dans un Paris sans lumières, il nous raconte sa quête en détail.
Avec ce premier roman, Emmanuel Bove ébranla la littérature : son écriture, qui allie densité du style et simplicité formelle, ironie mordante et compassion, a traversé le temps.
Mes amis est un chef-d'oeuvre, de ceux qui touchent chaque lecteur. Une rareté qu'il est indispensable de ne pas manquer. Il a reçu le Prix Initiales 2017
Les Marrons a pour héros Frême, un petit Noir issu de la traite négrière (clandestine) dans le sud-ouest de l'océan Indien. Il est contraint à l'Atelier colonial puis récupéré par le directeur du lieu pour en faire le jouet de ses deux jeunes enfants. Ceux-ci grandissant, on le renvoie à l'Atelier pour devenir charpentier. Tourmenté par le souvenir de son amour d'enfance, il retrouve Marie avant de choisir la fuite dans la forêt chez les "marrons", ces esclaves qui ont choisi la liberté au péril de leur vie. Ils y découvriront des résistants, illustrant le rêve de fraternité d'un auteur qui croyait à la fusion des races pour atteindre l'harmonie. Avec son côté romantique, ses épisodes violents et son idéal, Les Marrons imposa un message en un temps où la liberté restait illusoire.
Claro aime tellement la littérature que la fréquenter en permanence lui aiguise les dents qu'il a souvent très dures. Dans ce recueil, il taille de beaux costards à quelques phobies françaises, aux valeurs frelatées du roman hexagonal, aux prix littéraires qu'il honnit (tant qu'il n'en a pas), aux éditeurs qui exagèrent, et nous subjugue avec sa vérité sur le Stabilo, les pseudos transparents, ses conseils pour obtenir le succès, ses remarques sur la zoophilie...
Et les gougères. Impitoyable !
S'éprendre de la vedette de revue, rêver de l'inviter à déjeuner, voler sa mère pour obtenir la somme nécessaire et croire que la dame viendra au rendez-vous, c'est bien une attitude de jeune. Est-on niais, est-on godiche! Ah! jeunesse... la bêtise, la nôtre, nous perd souvent; celle des autres nous sauve parfois : les mésaventures de l'honnête La Brige le démontrent. Il n'est que de lire Hortense couche-toi ou La lettre chargée, Le piano, Le mauvais cocher et la douzaine d'autres nouvelles de ce volume : Courteline y exerce sa verve devenue proverbiale aux dépens de quelques-uns. Il y est féroce, impitoyable, parfois absurde et avec lui les couples en prennent pour leurs grades. Quatorze bijoux pour découvrir enfin un des grands humoristes du XXème siècle !
« Je pensais souvent à ce cinéaste japonais, Ozu, qui avait fait graver ces simples mots sur sa tombe : « Néant ». Moi aussi je me promenais avec une telle épitaphe, mais de mon vivant. » Adolphe Marlaud habite un appartement avec vue sur le cimetière qui domine la rue Froidevaux, une de ces rues où « on meurt lentement, à petit feu, à petits pas, de chagrin et d'ennui. » N'ayant réussi à n'être ni fantôme, ni homme invisible, en exil, cet étrange voyageur d'hiver s'est fixé une ligne de conduite : « vivre le moins possible pour souffrir le moins possible. » C'est sans compter sur Madame C., sa concierge, qui guette amoureusement son passage du haut de ses deux mètres pour le contraindre à des actes que la pudeur réprouve.
Quand nous découvrons Geoffroy, le héros navrant de ce roman, il est coincé dans un ascenseur triste métaphore d'une existence placée sous le signe de l'échec malgré des tentatives pour sortir du cadre. Doté d'un jumeau expansif à qui tout a réussi, il végète dans une entreprise de commerce aberrante dont il va claquer la porte pour trier des pommes. Abandonné par la femme aimée, repéré par une metteuse en scène d'avant-garde dont il va subir les (hilarantes) idées modernes, il subit les autres sans cesser de se questionner, tant sur son absurde parcours que sur sa capacité à tout supporter. Il faudra un ficus compatissant, celui de son psy, pour qu'il ose enfin envoyer chier ceux qui le méritent.
Architecte en fuite, le héros de ce premier roman est un bavard qui cause beaucoup de lui-même et de son grand projet : écrire un roman. Et tant pis pour sa femme elle-même auteure un peu en vue. Lui ne sait pas trop comment engager l'affaire mais il a une idée ou plutôt un personnage, plutôt vague : un officier SS pétomane... T ournant, virant, théorisant, il rame sacrément. Jusqu'au jour où, par dépit, il ouvre le journal intime de sa femme et y découvre qu'elle a sans doute un amant, un certain Léon, particulièrement bien monté. Le ton est donné, il ne va avoir de cesse de retrouver l'impétrant pour comprendre l'attrait irrésistible qu'il exerce sur sa compagne.
Désolant d'incertitude mais plein de théories (pas si fumeuses que ça) sur la littérature, le narrateur cause et nous réjouit.