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svetislav basara
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Solstice d'hiver est l'unique roman de Basara que l'on pourrait qualifier de roman d'amour. La thématique amour-sexualité prend toute la place. Ce qui ne n'empêche pas l'auteur de dire (page 46) : « ' je me méfie des romans d'amour. Ils sont mensonge pur ou pure horreur. Selon affinité. On ne saurait dire laquelle de ces deux options est la pire. Oui, il en va bien ainsi de l'amour. Afin de fuir notre angoisse, nous nous laissons ensorceler par l'autre pour un moment. Puis nous retombons dans l'angoisse, qui s'est entre-temps compliquée de mauvais souvenirs. Il n'est pas de haine plus répugnante qu'un amour charnel au stade de la décomposition » Or, dans cette histoire, pourtant pleine de stupre, ce stade ne sera jamais atteint car nous ne saurons pas s'il y a véritablement eu amour charnel entre Nana et le narrateur.
Qui est donc cette Nana, cet insaisissable objet de l'amour, du roman ? Elle est une sorte de Frankenstein qui résume la fascination basarienne de l'éternel féminin. Elle est complexe, contradictoire, multiple. Elle est belle et cruelle, une mante religieuse. Elle est lubrique, mais peut-être frigide, métaphysicienne tentée par la sainteté. Elle est vénale, meurtrière, mais aussi intelligente, créative, poétesse et essayiste de talent. La seule chose qu'elle ne saurait être c'est le sage modèle marial.
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Un écrivain serbe est dépêché en Mongolie pour y écrire un guide de voyage. Lui qui rêvait de s'extirper de sa morosité quotidienne, atterrit dans un pays perdu, lieu de tous les possibles - où, de temps à autre, on brûle encore des sorcières. Il échoue au bar de l'hôtel Gengis Khan à Oulan-Bator, où il voit défiler un évêque hollandais égaré dans un rêve, un officier russe devenu lama, un mort vivant au passé lubrique et même l'énigmatique Charlotte Rampling. Que tout cela confine à la folie importe peu ; la vodka coule à flots, délie les langues et libère les pensées les plus délirantes de Basara. Flottant entre rêverie et ivresse, au coeur d'un univers jubilatoire où la seule certitude est qu'il n'y en a aucune, il se laisse emporter dans un tourbillon extravagant de dérision qui n'épargne rien, ni personne.
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Qui était vraiment Friedrich Nietzsche ? Il y a dans sa biographie un trou de trois mois, et c'est au fond de celui-ci que se trouve peut-être la réponse. En effet, Nietzsche est victime d'une cabale internationale ourdie par Wagner, Lou Salomé, Freud et autres Illuminati, auxquels, moyennant une légère torsion historique, viennent s'ajouter Staline et Atatürk. En 1882, afin d'échapper à cette meute de nietzschephages, le philosophe prétend partir pour la Sicile mais s'embarque pour Chypre. Incognito. À moins que ce ne soit contraint et forcé, puisque, selon une autre hypothèse, captif du rêve d'un lecteur de Zaratoustra, il est entraîné malgré lui dans cette île au statut ontologique douteux. Quoi qu'il en soit, il y passera trois mois indescriptibles, que Le coeur de la terre s'emploie à décrire.
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Que Christophe Colomb découvrit et explora un continent fictif, que Karl Marx fut le visionnaire d'une société utopique, et Freud le fondateur d'une fausse religion... qui pourrait en douter ?
Personne, surtout pas après avoir lu Phénomènes, recueil où les nouvelles se répondent les unes les autres dans un seul but : démontrer la grande imposture qu'est l'Histoire et l'énorme fiction qu'est le monde. Ainsi, ce que de tout temps l'on a tenu pour réel n'est que littérature, et les documents authentiques, les archives du monde, les originaux, se mêlent aux documents apocryphes et aux contrefaçons.
Le maître-mot de cette malicieuse dénonciation?
Falsification.
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Attention : bizarre ! Qui sait comment réussir un crime parfait ? Que se passe-t-il dans la tête d'un homme enfermé la nuit dans un supermarché ou celle d'une personne chutant de la tour Eiffel ? Dans un foisonnement d'aventures loufoques et jubilatoires, Basara explore l'absurdité de nos existences, jusqu'à cet ultime point, où du néant surgit l'humanité.
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Un ambassadeur, issu d'Oxford ou de Cambridge, donc homosexuel par principe, débarque incognito en Etrascie.
Un drôle de pays, l'Etrascie. Quasi inexistant géographiquement, économiquement négligeable, et à géométrie variable diplomatiquement. Un pays de rêve ou l'enfer ? Afin de se documenter, notre ambassadeur entreprend sur place la lecture du récit de Robert T. Cincaid, un autre ambassadeur visiblement. Qui lui-même finira par laisser la parole au truculent littérateur dissident Salman Basrie, qui signe souvent ses opuscules S.B.
Des initiales qui ne sont pas sans rappeler celles de son traducteur, Svetislav Basara. Un nom qu'on a déjà vu quelque part... Le pays maudit, c'est tout cela : un lieu qui n'existe pas et où pourtant on peut aller, un pays où tout s'enchevêtre, les récits, les vies, les idées, au point où plus rien n'est identifiable, et où pourtant l'on continue d'écrire, de proférer, d'exposer, de vivre. Le pays de tous les excès, le pays du vide aussi.
Du portrait ubuesque du président à la satire tragico-comique des méfaits du Service de Sécurité, Basara brosse une peinture acide de l'Etat et de la politique internationale, sous forme d'un roman à tiroirs sans clés, une folle caricature authentique à force d'outrance. Svetislav Basara revisite et bouscule la tradition serbo-croate du roman diplomatique, dont Ivo Andric avait fait un art. Il en fait éclater l'archétype et s'amuse brillamment, comme un diable surgissant de sa boite, de ce qu'à l'interpréter, on puisse toujours faire dire à un auteur tout et son contraire.
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Histoires en disparition
Svetislav Basara
- Gaïa
- Litterature Etrangere Gaia
- 19 Septembre 2001
- 9782910030896
La mère du narrateur était folle, d'ailleurs elle tenait un bar qui n'existait que dans sa tête.
Le narrateur y allait aussi, il était même un habitué.
Alors, qu'il laisse à un dessin griffonné à la va-vite la liberté de prendre la parole et de lui rire au nez ne sera pas pour nous surprendre. Ni qu'il prétende s'appeler tmou, tmou qui est si mauvais écrivain qu'il ne mérite pas même une majuscule, puis Fin, Fin qui est assis le dos contre le mur et qui s'appelle Fin. Les deux facettes d'un même personnage ? Ce serait trop simple.
Ils sont deux en un, au moins, ou alors pas du tout. Et à la fin tout disparaît, et il ne reste que l'auteur, Basara lui-même. Et encore, c'est vite dit.
Délire schizophrène s'il en est, Histoires en disparition est une farce sur la disparition du sujet, la démultiplication du je jusqu'à sa dissolution. Auto-destructif et auto-hilarant.
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Vivre est pour chacun le but primordial ; or personne n'y parvient définitivement ; donc, nul n'existe vraiment. Ce syllogisme subversif, soufflé une nuit par le Saint-Esprit à l'oreille d'Anan, fait basculer le jeune homme dans le Néant originel, au grand découragement de ses parents. Car leur fils décide de renaître pour exister enfin et pour tout recommencer de zéro dans le monde
immatériel où il expose ses théories dans un roman provocant, oeuvre de sabotage où toutes les conventions du monde temporel sont niées radicalement, à commencer par le temps historique, d'où l'idée d'Anan
de vivre perpétuellement le 23 juillet 1949 plutôt qu'en 1968 dans un pays communiste où règne l'omniscient parti, où les murs ont des oreilles. Loufoque et irrévérencieux, ce roman éclaté, relation d'une crise d'adolescence mystique et métaphysique, est aussi délicieusement iconoclaste.