« Il m'a été confié et j'ai accepté de le garder en observation. On aura estimé à juste titre que j'étais le seul qualifié pour mener à bien cette étude. Il est maintenant là, devant moi, étrangement mobile, brûlant d'on ne sait quelle ardeur. Curieux sujet, décidément. Je vais prendre bien soin de lui. ».
É.C.
Si Ronce-Rose prend soin de cadenasser son carnet secret, ce n'est évidemment pas pour étaler au dos tout ce qu'il contient. D'après ce que nous croyons savoir, elle y raconte sa vie heureuse avec Mâchefer jusqu'au jour où, suite à des circonstances impliquant un voisin unijambiste, une sorcière, quatre mésanges et un poisson d'or, ce récit devient le journal d'une quête éperdue.
Ronce-Rose s'ouvre comme un journal intime tenu par une petite fille avant de laisser place à une intrigue plus linéaire, lorsque la jeune narratrice se lance à la recherche de Mâchefer, son cambrioleur de père (adoptif peut-être, mais qu'importe, Éric Chevillard se fiche bien de ce type de précision). On pourrait se croire en terrain inconnu. Ce n'est qu'une fausse impression : le récit de la quête de Ronce- Rose peut également se lire comme la quête d'un récit - une méditation sur l'écriture qui, pour le coup, inscrit pleinement ce nouveau roman au sein de l'oeuvre d'Éric Chevillard.
Pierre-Édouard Peillon, Magazine littéraire Avec Ronce-Rose, Éric Chevillard vient de réussir cet exploit : faire de la grande littérature avec un mixte étrange et fascinant de fable allègre et de thriller funèbre [...] Autrement dit, Ronce-Rose, en ses 142 petites pages, est tout sauf un texte anodin. Les soubassements d'inquiétude de ce maître livre font éprouve au lecteur le poids d'une expérience authentique de la paternité. Mais ce sérieux ne cesse d'être porté (allégé) de bout en bout, sans aucune faiblesse narrative, par la richesse ludique singulière de la forme. Ce poids est dépourvu de toute pesanteur démonstrative, le récit se situant constamment dans les registres divers du poétique, ceux du conte rieur et cruel.
Maurice Mourier, En attendant Nadeau
Demandez à Ski ce qu'on disait l'autre jour chez Chevillard, à deux pas de nous, quand vous êtes entré dans ma loge. (Proust, La Prisonnière) On oublie un peu que Chevillard avait trouvé sa place dans la Recherche de Proust. Il n'était que temps de voir l'auteur de L'Autofictif rendre la monnaie de sa pièce au grand écrivain dont on célèbre un centenaire en 2023.
Nous sommes le 5 novembre 2019 et je m'apprête à passer la nuit seul dans la Grande Galerie de l'Évolution du Muséum d'Histoire naturelle de Paris.
Cette perspective est-elle si effrayante ? Je n'ai pas l'intention de laisser ma peau aux taxidermistes du muséum ! Ils ont assez à faire avec l'éléphant de mer. Je suis sans doute le seul de la bande au contraire qui ne risque rien dans les heures à venir. Sont réunies ici les conditions de la plus parfaite sérénité. Ces toisons soyeuses, ces pelages, ces peluches... n'est-ce pas ce qui depuis toujours rassure l'enfant craintif dans le grand vide noir de la nuit ?
Cette nuit dans la grande galerie, Éric Chevillard la passera plus précisément dans la salle des espèces disparues et menacées. Et si triste est le constat du regroupement de ces deux populations, le lieu, effrayant, exotique, fantasmagorique est plus que propice à l'écriture.
De déambulations en contemplations, l'auteur en vient à s'imaginer sauveur de ces mondes perdus. S'ensuivent des pages sublimes et virevoltantes dans lesquelles il tente de faire revenir à la vie des animaux disparus, notamment un oeuf de vorompatra,, grand émeu volatilisé depuis trois siècles, uniquement par la force d'invocation d'un poème. Car « Pour ressusciter les espèces éteintes, mieux que l'incertain clonage cellulaire, ne serait-il pas judicieux de s'en remettre à la poésie ? ».
Emporté par l'incroyable élan de ce livre, le lecteur ne pourra que tomber d'accord.
Cet écrivain aime sa chambre, sa table, sa chaise, dans la pénombre : on l'envoie en Afrique où sont les lions, dans le soleil. Que va-t-il chercher là-bas ? Un grand poème, dit-il. Ou ne serait-ce pas plutôt l'inévitable récit de voyage que tant d'autres avant lui ont rapporté ? On l'a lu déjà, et relu. L'auteur va prétendre que des indigènes l'ont sacré roi de leur village. Il aura percé à jour les secrets des marabouts et appris de la bouche d'un griot vieux comme les pierres quelque interminable légende avec métamorphoses. Le pire est à craindre. Par bonheur, l'aventure tourne court. L'hippopotame se cache. L'Afrique curieusement ne semble guère fascinée par le courageux voyageur. En revanche, celui-ci prend des couleurs : est-ce le soleil ou la honte ? Nous l'appellerons Oreille rouge.
On se croyait quitte de ces sornettes, pour parler franc. L'enfance est derrière nous. Et le conte du vaillant petit tueur de mouches est une vieille histoire. Or voici qu'un écrivain prétend soudain devenir l'auteur conscient et responsable qui fait défaut à celle-ci, enfantée négligemment par l'imagination populaire, soumise à tous les avatars de la tradition orale puis recueillie en ce lamentable état par les frères Grimm au début du XIXe siècle. Il a des ambitions. Il compte bien élever le frêle personnage qui en est le héros au rang de figure mythique. Noble projet, mais quel est-il, ce héros, le vaillant petit tailleur ou l'écrivain lui-même ? Dans un monde fabuleux, peuplé de géants et de licornes, cette dernière hypothèse pourrait être moins extravagante qu'il n'y paraît.
C'est une véritable leçon d'écriture à laquelle s'amuse Chevillard, sur le patron mité d'un trop courte conte populaire : Le Vaillant Petit Tailleur raconte en détail la fabrication du roman que nous sommes en train de lire, en incluant tous les possibles du récit, broderies de l'imagination, défauts ou repentirs de l'intrigue, faux plis et reprises d'innombrables parenthèses improvisées... Le texte se coud et se coude sans cesse : bifurquant à chaque chapitre, presque à chaque page, le héros se confond avec son créateur dans une aventure où les géants et prodiges se révèlent vite secondaires. On passe de l'évocation surprise d'un serial killer à la désopilante mise en boîte de Bruno Bettelheim, d'une soudaine anecdote dans le métro parisien aux commentaires ironiques de l'écrivain sur son propre travail.
Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles
Son visage exprime une ferme résolution. Ses gestes sont brefs et précis. Sa main ne tremble pas. Il joue pourtant sa vie dans cette affaire. Il est écrivain et, ce soir, il se propose d'écrire son autobiographie. Sur sa table se trouve rassemblé tout le matériel nécessaire, du papier, un crayon, une gomme, un hérisson. Qui n'a rien à faire là, ce dernier, vous avez raison. Dont la présence incongrue est même un vrai mystère. Mais l'effet de surprise s'estompe vite. Place à la colère. Ce hérisson naïf et globuleux est une calamité. Si doué soit-il lui-même pour l'introspection vicieuse et le repli sur soi compulsif, il contrarie grandement et déroute l'ambitieux projet autobiographique de l'écrivain. D'où sort-il, ce nuisible animal, renifleur bruyant, hirsute, insaisissable, que cherche-t-il ici ? Que me veut-il ?
La première fois que Crab fut pris pour un éléphant, il se contenta de hausser les épaules et passa son chemin. La deuxième fois que Crab fut pris pour un éléphant, il laissa échapper un geste de mauvaise humeur. La troisième fois, enfin, devinant que ses ennemis avaient comploté de le rendre fou, il ceintura vivement l'insolent et l'envoya valser à dix-huit mètres de là... Tel est Crab, dont ce livre voudrait rapporter quelques gestes remarquables et que l'on verra ainsi avec un peu de chance plier le ciel comme un drap ou se tuer par inadvertance en croyant poignarder son jumeau, puis devenir torrent pour mieux suivre sa pente. À moins évidemment qu'il ne se terre plutôt tout du long dans son antre obscur, s'agissant de Crab, on ne peut rien promettre.
Monotobio plutôt que Mon autobio, avec quatre O comme quatre roues bien rondes, car il s'agit de ne pas traîner. Nul temps mort dans nos vies, le train des conséquences ne ralentit jamais, tout s'enchaîne selon la logique impérieuse du destin. Nous rencontrons ici un écrivain éperdu, aux prises avec son autobiographie. Peut-il se permettre de passer sous silence les plus menus incidents de son existence ? Chaque instant compte. La seconde où il a marché sur sa balle de ping-pong, celle où il a caressé un zèbre ... S'il tait ces épisodes, la trame de son récit ne risque-t-elle pas de se défaire ? Et si tout était écrit avant d'être vécu, que lui reste-t-il maintenant à inventer ?
De James Cook, dont le navire The Adventure quitta Plymouth pour les mers australes le 13 juillet 1772, qui découvrit la Nouvelle-Zélande et Tahiti, navigateur infatigable et digne de Napoléon pour l'esprit de conquête, affichant d"ailleurs le même petit air fat et borné, il ne sera pour ainsi dire pas question dans ce livre, comme son titre très honnêtement nous en avertit. C'est jouer franc jeu. En revanche, comme partout où le capitaine Cook n'osa s'aventurer par crainte de trop grands périls, on y rencontrera notre homme, curieux personnage, comme chez lui dans ces contrées où tout peut arriver : deux femmes naître attachées par les cheveux et traverser l'existence ainsi sans se soucier l'une de l'autre, un vieux préhistorien perdre la mémoire de tous les événements postérieurs au paléolithique, ou encore un ermite distrait périr par noyade dans les sables du désert.
Les tortues de Floride élevées en aquarium ne sont pas tout à fait des cailloux. Elles ont donc besoin d'eau et de nourriture pour vivre. C'est ce que découvre le narrateur de cette histoire, de retour chez lui après un mois d'absence. Il croyait la sienne plus endurante, mais la carapace décalcifiée de la petite Phoebe se fend sous son pouce. Par ailleurs, alors qu'il s'employait à réhabiliter en la signant de son nom l'oeuvre de Louis-Constantin Novat, écrivain ignoré du XIX e siècle, cette généreuse initiative se trouve soudain menacée. Or la forêt des mystères n'abrite pas que des crimes : les deux mésaventures pourraient bien être liées.
Certes, à première vue, tout laisse à penser que palafox est un poussin, un simple poussin puisque son oeuf vole en éclats, un autruchon comme il en éclôt chaque jour de par le monde, haut sur pattes et le cou démesuré, un girafon très ordinaire, au pelage jaune tacheté de brun, un de ces léopards silencieux et redoutables, volontiers mangeurs d'hommes, un requin bleu comme tous les requins bleus, assoiffé de sang, en somme un moustique agaçant de plus, avec sa trompe si caractéristique, un éléphanteau banal, mais bientôt on se prend à en douter.
Palafox coasse. palafox nous lèche le visage et les mains. alors nos certitudes vacillent. penchons-nous sur palafox. e.c.
On reconnaît le chevet de l'honnête homme à la présence discrète du dernier Autofictif. Pour peu qu'il les garde tous, l'équilibre est risqué et laisse entrevoir une possible chute. Car nous en sommes désormais à quatorze volumes, de quoi entrer dans les annales de la littérature française. L'avantage, c'est qu'on peut le prendre en cours de route, et sans permis. Bref, enfin démasqué, L'Autofictif nu sous son masque s'annonce comme le plus torride de la série, celui qui en dévoile plus que tous les autres, celui qu'il ne faut pas manquer sous peine de passer à côté d'un univers littéraire en expansion mais unique en son genre.
LUI - Et donc, mesdames messieurs, les lettres que vous voyez assemblées sur cet écriteau forment le mot tapirs. Contrairement aux lettres T.A.M.A.N.O.I.R.S. qui, malgré un bon début et même un excellent départ, échouent dans leur tentative. Leur effort n'est pas absolument vain cependant et les trois dernières comme les deux premières ne détonneraient pas dans le mot tapirs, c'est vrai, elles ne dépareraient pas le mot tapirs. Mais entre celles-ci et celles-là, hélas, il s'en trouve quatre autres, observez bien, le M, le A, le N et le O qui sont tout à fait déplacées, tout à fait hors de propos pour ne pas dire saugrenues, qui infléchissent considérablement le sens, qui le faussent, avouons-le, si bien que le mot formé finalement désigne tout autre chose que nous, nomme une autre réalité, une autre bête, car enfin, combien de fois faudra-t-il vous le dire...
ENSEMBLE - Nous ne sommes pas des tamanoirs !
LUI - Nom de Dieu !
Crabes, punaises, hérissons, orang-outans ou, plus récemment, tortues, l'animal fait partie de la panoplie littéraire d'Eric Chevillard. Indiscrète plongée au coeur du zoo, ces dix-huit dialogues d'animaux, qui agissent à la fois comme loupe et miroir, révèlent autant qu'il auscultent : nous voici scrutés par un verbe vicieux...
Voici venue l'heure du verdict, l'heure des révélations. Albert Moindre est mort et il découvre l'au-delà, ce qu'il en est, ce qui s'y passe. Sommes-nous vengés ? Sommes-nous punis ? À quoi ressemble le Royaume des cieux ? Ce témoignage de première main apporte des réponses à nombre de nos interrogations anciennes. On le lira si ces questions nous tourmentent, pour être fixés une bonne fois.
Pour quelques damnés heureux ou malheureux, la littérature décide de tout. Chaque chose sera vue à travers son prisme et rien ne sera vraiment vécu avant d'être formulé. Ce livre est-il un récit humoristique délirant, une confession autobiographique désarmante, un essai polémique agressif, ou bien plutôt, outrepassant ces catégories qui se télescopent ici, tantôt joyeusement, tantôt brutalement, une mise à l'épreuve de la vie de l'auteur dans le champ de la littérature où il s'est établi au saut du berceau ? Nous y lirons donc un roman bien dans sa manière (un peu trop sans doute), et même deux romans puisqu'un second (l'histoire d'un homme qui suit une fourmi) vient soudain interrompre le premier. Mais nous y lirons aussi les interventions et commentaires de l'auteur, soucieux de garder la main sur sa création et d'élucider ce qui se trame peut-être à son insu dans ses fictions.
Monsieur Théo était né pour mourir comme d'autres naissent pour danser ou pêcher la baleine. L'heure a sonné, enfin, après quatre-vingts ans, où il va pouvoir donner sa mesure. Chassé de son domicile, il trouve refuge chez Suzie Plock, veuve de son vieil ami Martial Plock, un imbécile. Là, il reçoit parfois la visite de Lise, petite complice délicate de son agonie, qui confond céleri et salsifis comme tout le monde.
Puis il inventa l'écriture. Dès lors, impossible de reculer : l'homme entra dans l'Histoire. Mais il serait faux de croire que tout a commencé pour lui ce matin-là. Depuis longtemps, l'homme s'activait sur la Terre. Moins doué pour la vie de tous les jours que les animaux, ses voisins, bisons, chevaux, mammouths, dont la paisible assurance et le sens pratique l'impressionnaient fortement, il en fit les héros de ses fresques rupestres ? grandes figures éternelles, déjà vieilles de vingt ou trente mille ans, que l'on ne saurait donc comparer sans sourire à nos récentes peintures sur toile, démodées avant d'être sèches.
La grotte de Pales s'ouvre ainsi sur un réseau de galeries richement ornées. On la visite. Le narrateur de cette histoire, quand elle commence, vient justement d'être nommé au poste vacant de guide et gardien du site. Il tarde pourtant à prendre ses fonctions. Quelque chose le retient.
Nous attendons d'un livre qu'il nous parle de neige, de marquise, d'île, de zoo, de style, de photographie, de Beckett, d'humour, de Dieu, de virgule, de littérature et évidemment de kangourou. Ce sera le cas de celui-ci, entre autres questions de semblable importance. Soucieux de mettre un peu d'ordre dans son recueil, l'auteur a cédé à la tentation de l'abécédaire, optant même pour la disposition AZERTY du clavier français, conçue justement à l'origine pour éviter que les machines à écrire et ceux qui en usent ne s'emmêlent les pinceaux. C'était oublier que l'écriture selon son goût pactisera toujours plus volontiers avec les forces du désordre.
Un jour, Gaston Chaissac a saisi un pinceau. Pour certains il était seulement un homme marginal, mais pour d'autres il était un artiste. Il a été reconnu après sa mort.
Personne ne l'avait compris.
Un jour Chevillard qui avait commencé à écrire a vu les peintures de Chaissac. Il lui a donné une voix. Il l'a fait vivre. Il en a fait un livre.
Pour la onzième année, sans aucune interruption, avec une Constance qui force l'admiration, sans scrupule et avec grand talent, Eric Chevillard propose son journal autofictif, l'entreprise littéraire la plus surprenante, la plus inventive de la décennie (et de la suivante). Nous parions que cette oeuvre qui n'a pas d'équivalent pourrait bien devenir un classique de notre époque qu'elle raconte avec drôlerie, impertinence et originalité. Ecrivain loin des mondanités (et du Monde, qu'il a quitté), retiré dans sa tour d'ivoire (ou Dijon, c'est selon) mais au coeur de la littérature, celle qui croit que tout n'est pas dans les historiettes dont on nous accable, Chevillard se bat à fleuret moucheté avec les insectes bourdonnants et les Richelieu ridicules. Un pour tous, tous pour Chevillard !
Si certains en prennent pour leur grade, si les idées reçues y sont soumises à l'épreuve implacable de l'acide et de l'ironie, aucun animal en revanche n'a été maltraité ou blessé pendant l'écriture de ce livre. À l'exception d'un blaireau, bien sûr, comme son titre en fait l'aveu. Mais l'auteur semble hors de cause et plutôt déterminé à le venger. Y parviendra-t-il ? Ce n'est pas le seul enjeu du livre, mais ce n'est pas non plus le moindre. Un journal est-il d'ailleurs autre chose qu'un quotidien suspense ?
Furne est un contestataire. La lumière et l'obscurité l'indisposent pareillement, toujours menacée l'une par l'autre, l'inutile complexité du corps l'afflige, la loi de la pesanteur l'indigne au-delà de toute expression, et il n'aurait pas davantage voté les autres si seulement on l'avait consulté. Furne caresse l'idée de réformer l'ordre des choses, qui ne lui convient pas. Sept collaborateurs ingénieux et tout dévoués l'aideront dans sa tâche. De nouveaux matériaux seront conçus, de nouvelles matières. Mais Furne tirera aussi parti de la soie, par exemple, ou du caoutchouc, l'inépuisable caoutchouc, si obéissant, si compatissant, et bonne pâte, le musculeux, le miraculeux caoutchouc.
L'homme qui nous livre ici son témoignage porte en permanence et très naturellement une chaise retournée sur la tête, ce qui lui vaut depuis toujours bien des déboires et des railleries, mais aussi, tout à coup, l'enviable privilège de plaire à Méline. Celle-ci l'invite même à s'installer chez elle avec ses vieux amis. Cependant, l'envahissante présence des parents de la jeune fille les oblige à se transporter au plafond, où les conditions de vie se révèlent d'ailleurs excellentes et en tout point meilleures qu'au sol. On se demande alors pourquoi Méline hésite à les rejoindre là-haut.