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Les Règles de la méthode sociologique, publié sous forme de livre en 18951 par Émile Durkheim dans la Revue philosophique, constitue l'ouvrage où le projet sociologique de l'auteur, considéré comme le père de la sociologie française, apparaît clairement. Il cherche en effet à fonder la sociologie comme une science nouvelle et à l'établir institutionnellement ; ce livre répond à cette ambition où il définit les règles méthodologiques à suivre pour une étude sociologique.
Pour devenir une science, la sociologie doit répondre à deux conditions :
Elle doit avoir un objet d'étude spécifique, c'est-à-dire que pour obtenir une légitimité académique, elle doit se distinguer des autres sciences (philosophie, psychologie) : la sociologie serait l'étude du fait social ;
Elle doit mettre en oeuvre une méthode de recherche scientifique, rigoureuse, objective, qui se rapproche le plus possible des sciences exactes (comme la biologie) de manière à se détacher le plus possible des prénotions, des préjugés, de la subjectivité produites par l'expérience ordinaire et vulgaire : la sociologie se devra d'étudier les faits sociaux comme des choses.
En bref, la sociologie sera la science des faits sociaux, définie par une méthode qui lui est propre.
Extrait : Le fait social ne peut se définir par sa généralité à l'intérieur de la société. Caractères distinctifs du fait social : son extériorité par rapport aux consciences individuelles ; l'action coercitive qu'il exerce ou est susceptible d'exercer sur ces mêmes consciences. Application de cette définition aux pratiques constituées et aux courants sociaux. Vérification de cette définition.
Autre manière de caractériser le fait social : l'état d'indépendance où il se trouve par rapport à ses manifestations individuelles. Application de cette caractéristique aux pratiques constituées et aux courants sociaux. Le fait social se généralise parce qu'il est social, loin qu'il soit social parce qu'il est général. Comment cette seconde définition rentre dans la première. Comment les faits de morphologie sociale rentrent dans cette même définition. Formule générale du fait social. -
Sociologue célèbre, reconnu comme tel par ses disciples et héritiers, on oublie trop souvent qu'Emile Durkheim est en même temps l'un des classiques de la pédagogie française. Ce volume rassemble quatre études exposant les idées maîtresses de Durkheim, certes marquées par son époque, celle de la IIIe République, mais présentant un intérêt toujours actuel, par les problèmes abordés et par la manière à la fois raisonnable et optimiste de chercher à les résoudre. Introduisant l'oeuvre de son maître, Paul Fauconnet rappelle que sa doctrine de l'éducation est un élément essentiel de sa sociologie .
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L'état de nature n'est pas, comme on l'a dit quelquefois, l'état où se trouve l'homme avant l'institution des sociétés. Une telle expression ferait croire, en effet, qu'il s'agit d'une époque historique, par laquelle aurait réellement commencé le développement humain. Telle n'est pas la pensée de Rousseau. C'est, dit-il, un état « qui n'existe plus, qui n'a peut-être point existé, qui probablement n'existera jamais » (Discours sur l'origine de l'inégalité, préface). L'homme naturel, c'est tout simplement l'homme, abstraction faite de tout ce qu'il doit à la vie sociale, réduit à ce qu'il serait s'il avait toujours vécu isolé. Le problème à résoudre ne ressortit donc pas à l'histoire, mais à la psychologie. Il s'agit de faire le partage entre les éléments sociaux de la nature humaine et ceux qui dérivent directement de la constitution psychologique de l'individu. C'est de ces derniers et d'eux seuls qu'est fait l'homme à l'état de nature. Le moyen de le déterminer « tel qu'il a dû sortir des mains de la nature» est de le dépouiller « de tous les dons surnaturels qu'il a pu recevoir et de toutes les facultés artificielles qu'il n'a pu acquérir que par un long progrès » (ibid. et 1re partie). Si pour Rousseau, comme d'ailleurs pour Montesquieu et presque tous les penseurs jusqu'à Comte (et encore Spencer retombe-t-il dans la confusion traditionnelle) la nature finit à l'individu, tout ce qui est au delà lie peut être qu'artificiel. Quant à savoir si l'homme est resté un temps durable dans cette situation, ou s'il a commencé à s'en écarter dès qu'il a commencé à être, c'est une question que Rousseau n'examine pas, car elle n'importe pas à son entreprise.
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"Pragmatisme et Sociologie" d'Émile Durkheim est une oeuvre dans laquelle le célèbre sociologue explore les liens entre le pragmatisme, une perspective philosophique axée sur l'action et l'expérience, et la sociologie, la science de l'étude des sociétés humaines. Durkheim examine comment les idées pragmatiques peuvent être appliquées à la compréhension des phénomènes sociaux.
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Chargé d'enseigner une science née d'hier et qui ne compte encore qu'un petit nombre de principes définitivement établis, il y aurait de la témérité de ma part à n'être pas effrayé par les difficultés de ma tâche. Je fais d'ailleurs cet aveu sans peine et sans timidité. Je crois en effet que, dans nos Universités, à côté de ces chaires du haut desquelles on enseigne la science faite et les vérités acquises, il y a place pour d'autres cours, où le professeur fait en partie la science au fur et à mesure qu'il l'enseigne ; où il trouve dans ses auditeurs des collaborateurs presque autant que des élèves ; où il cherche avec eux, tâtonne avec eux, parfois aussi s'égare avec eux. Je ne viens donc pas vous révéler une doctrine dont une petite école de sociologistes aurait le secret et le privilège, ni surtout vous proposer des remèdes tout faits pour guérir nos sociétés modernes des maux dont elles peuvent souffrir. La science ne va pas si vite ; il lui faut du temps, beaucoup de temps, surtout pour devenir pratiquement utilisable. Aussi l'inventaire de ce que je vous apporte est-il plus modeste et plus facile à faire. Je crois pouvoir poser avec quelque précision un certain nombre de questions spéciales qui se rattachent les unes aux autres, de manière à former une science au milieu des autres sciences positives. Pour résoudre ces problèmes, je vous proposerai une méthode que nous essaierons ensemble. Enfin, de mes études sur ces matières j'ai retiré quelques idées directrices, quelques vues générales, un peu d'expérience, si vous voulez, qui servira, je l'espère, à nous guider dans nos recherches à venir.
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Montesquieu et Rousseau : Précurseurs de la sociologie
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 21 Janvier 2024
- 9791041957828
"Montesquieu et Rousseau, Précurseurs de la Sociologie" d'Émile Durkheim met en lumière l'influence de Montesquieu et Rousseau sur le développement précoce de la sociologie en tant que discipline. L'auteur, sociologue français de renom, explore comment les idées de ces deux penseurs du XVIIIe siècle ont jeté les bases conceptuelles pour la compréhension des phénomènes sociaux. Durkheim examine les contributions distinctes de Montesquieu et Rousseau à la pensée sociologique, soulignant leur impact sur la formation et l'évolution de cette discipline cruciale pour la compréhension de la société.
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Cours de philosophie au Lycée de Sens en 1883-1884 : Sections A et B
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 21 Mars 2023
- 9791041948109
Qu'est ce que la philosophie ? Le mot est fréquemment employé. Par cela même, il donne une idée grossière, mais simple de ce qu'il signifie. Philosopher, c'est réfléchir sur un ensemble de faits pour en tirer des généralités. Philosophie, en un mot, veut dire réflexion et généralisation. C'est ainsi que l'on dit : la philosophie de l'art, la philosophie de l'histoire.
En examinant la forme de la philosophie, le genre de réflexion qui lui convient, ce qu'on appelle: l'esprit philosophique, on voit qu'on peut le définir ainsi: il consiste dans le besoin de se rendre compte de toutes ses opinions, jointe à une force d'intelligence suffisante pour satisfaire plus ou moins ce besoin. La qualité caractéristique de l'esprit philosophique est la libre réflexion, le libre examen. Réfléchir librement, c'est se soustraire quand on réfléchit à toute influence étrangère à la logique. C'est raisonner en ne reconnaissant d'autres autorités que les règles de cette science et les lumières de la raison. -
Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884 : Sections C, D et E
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 21 Mars 2023
- 9791041948116
La logique est la science qui détermine les règles que doit suivre l'esprit pour arriver à la vérité. La logique se distingue donc de la psychologie, d'abord par l'étendue de son domaine, car elle ne s'occupe que d'une catégorie déterminée d'états de conscience, l'intelligence, ne connaît qu'une faculté de ce moi que la psychologie décrit sous tous ses aspects. De plus le point de vue de ces deux sciences diffère: la psychologie n'a d'autre but que de faire connaître spéculativement l'esprit; la logique étudie non plus pour savoir, mais pouvoir ; elle se demande comment pratiquement l'on doit s'y prendre pour parvenir à la vérité. La psychologie montre comment les choses se passent, la logique comment elles doivent se passer pour atteindre le but que se propose cette science.
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S'il est un fait dont le caractère pathologique parait in- contestable, c'est le crime. Tous les criminologistes s'entendent sur ce point. S'ils expliquent cette morbidité de manières différentes, ils sont unanimes à la reconnaître. Le problème, cependant, demandait à être traité avec moins de promptitude. Appliquons, en effet, les règles précédentes. Le crime ne s'observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de tous les types. Il n'en est pas où il n'existe une criminalité. Elle change de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais, partout et toujours, il y a eu des hommes qui se conduisaient de manière à attirer sur eux la répression pénale. Si, du moins, à mesure que les sociétés passent des types inférieurs aux plus élevés, le taux de la criminalité, c'est-à-dire le rapport entre le chiffre annuel des crimes et celui de la population, tendait à baisser, on pourrait croire que, tout en restant un phénomène normal, le crime, cependant, tend à perdre ce caractère. Mais nous n'avons aucune raison qui nous permette de croire à la réa- lité de cette régression. Bien des faits sembleraient plutôt démontrer l'existence d'un mouvement en sens inverse. Depuis le commencement du siècle, la statistique nous fournit le moyen de suivre la marche de la criminalité ; or, elle a partout augmenté. En France, l'augmentation est près de 300%. Il n'est donc pas de phénomène qui présente de la manière la plus irrécusée tous les symptômes de la normalité, puisqu'il apparaît comme étroitement lié aux conditions de toute vie collective. Faire du crime une maladie sociale, ce serait admettre que la maladie n'est pas quelque chose d'accidentel, mais, au contraire, dérive, dans certains cas, de la constitution fondamentale de l'être vivant ; ce serait effacer toute distinction entre le physiologique et le pathologique. Sans doute, il peut se faire que le crime lui-même ait des formes anormales; c'est ce qui arrive quand, par exemple, il atteint un taux exagéré. Il n'est pas douteux, en effet, que cet excès ne soit de nature morbide. Ce qui est normal, c'est simplement qu'il y ait une criminalité, pourvu que celle-ci atteigne et ne dépasse pas, pour chaque type social, un certain niveau qu'il n'est peut-être pas impossible de fixer conformément aux règles précédentes
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D'ordinaire, pour savoir si un précepte de conduite est ou non moral, on le confronte avec une formule générale de la moralité que l'on a antérieurement établie ; suivant qu'il en peut être déduit ou qu'il la contredit, on lui reconnaît une valeur morale ou on la lui refuse.
Nous ne saurions suivre cette méthode ; car, pour qu'elle pût donner des résultats, il faudrait que cette formule, qui doit servir de critère, fût une vérité scientifique indiscutable. Or, non seulement chaque moraliste a la sienne, et cette diversité des doctrines suffit déjà à en rendre suspecte la valeur objective, mais nous allons montrer que toutes celles qui ont été successivement proposées sont fautives et que, pour en trouver une plus exacte, toute une science est nécessaire qui ne saurait être improvisée. -
Le dualisme de la nature humaine et ses conditions sociales
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 23 Mars 2023
- 9791041948376
Bien que la sociologie se définisse la science des sociétés, en réalité, elle ne peut traiter des groupes humains, qui sont l'objet immédiat de sa recherche, sans atteindre finalement l'individu, élément dernier dont ces groupes sont composés. Car la société ne peut se constituer qu'à condition de pénétrer les consciences individuelles et de les façonner « à son image et ressemblance » ; sans vouloir dogmatiser avec excès, on peut donc dire avec assurance que nombre de nos états mentaux, et des plus essentiels, ont une origine sociale. Ici, c'est le tout qui, dans une large mesure, fait la partie ; par suite, il est impossible de chercher à expliquer le tout sans expliquer la partie, au moins par contrecoup. Le produit par excellence de l'activité collective, c'est cet ensemble de biens intellectuels et moraux qu'on appelle la civilisation ; c'est pourquoi Auguste Comte faisait de la sociologie la science de la civilisation. Mais, d'un autre côté, c'est la civilisation qui a fait de l'homme ce qu'il est ; c'est elle qui le distingue de l'animal. L'homme n'est un homme que parce qu'il est civilisé. Chercher les causes et les conditions dont la civilisation dépend, c'est donc chercher aussi les causes et les conditions de ce qu'il y a, dans l'homme, de plus spécifiquement humain. C'est ainsi que la sociologie, tout en s'appuyant sur la psychologie dont elle ne saurait se passer, lui apporte, par un juste retour, une contribution qui égale et dépasse en importance les services qu'elle en reçoit. C'est seulement par l'analyse historique qu'on peut se rendre compte de quoi l'homme est formé ; car c'est seulement au cours de l'histoire qu'il s'est formé
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Le problème fondamental du Contrat Social, tel qu'il est formulé au chapitre VI du livre, peut s'énoncer ainsi : trouver une forme d'association, ou comme dit aussi Rousseau, d'état civil, dont les lois se superposent, sans les violer, aux lois fondamentales de l'état de nature. Par conséquent, pour comprendre la doctrine de Rousseau, il nous faut : 1° déterminer en quoi consiste cet état de nature qui est comme la pierre de touche d'après laquelle doit se mesurer le degré de perfection de l'état civil ; ° chercher comment les hommes, en fondant les sociétés, ont été amenés à sortir de cette condition première ; car, si la forme parfaite d'association est à découvrir, c'est que la réalité n'en offre pas le modèle ; ° alors seulement nous serons en mesure d'examiner les raisons pour lesquelles, suivant Rousseau, cette déviation n'était pas nécessaire et comment est possible la conciliation de ces deux états, à certains égards contradictoires.
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La contribution de Montesquieu à la constitution de la science sociale
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 23 Mars 2023
- 9791041948420
Oublieux de notre histoire, nous avons pris l'habitude de considérer la science sociale comme étrangère à nos moeurs et à l'esprit français. Le fait que d'illustres philosophes qui ont tout récemment écrit sur ces matières, ont jeté leur éclat en Angleterre et en Allemagne , nous a fait oublier que cette science a d'abord pris naissance chez nous. Et pourtant ce n'est pas seulement le Français Auguste Comte qui a été le premier à lui donner son fondement propre, à en distinguer les parties essentielles et à lui donner un nom particulier, à vrai dire un peu barbare : le nom de sociologie ; mais tout cet élan qui nous porte aujourd'hui vers les problèmes sociaux, est venu de nos philosophes du XVIIIe siècle. Dans cette brillante cohorte d'écrivains, Montesquieu se détache parmi tous les autres : c'est lui, en effet, qui, dans son livre De l'Esprit des Lois, a établi les principes de la science nouvelle.
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Origine du mariage dans l'espece humaine d'après westermarck
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 23 Mars 2023
- 9791041948437
Les publications sociologiques consistent trop souvent en constructions purement dialectiques, vides de toute matière, pour que nous ne saluions pas avec empressement l'intéressant travail de M. Westermarck sur les origines du mariage, que M. de Varigny a récemment traduit de l'anglais en français. Tandis qu'on voit trop fréquemment des sociologues improvisés trancher les questions les plus hautes de la science sans avoir jamais acquis, par des recherches spéciales, la pratique directe des faits sociaux, M. Westermarck n'a abordé le sujet déterminé qu'il traite qu'après avoir réuni une masse imposante de documents dont plusieurs sont inédits. Ce n'est Pas sur telle ou telle généralité philosophique qu'il appuie la thèse qu'il essaie d'établir, mais sur des observations qu'il s'est attaché à multiplier autant que possible. Son livre nous paraît donc être d'un utile exemple à une époque où la vogue croissante et, peut-être, trop rapide des études sociologiques fait éclore de tous côtés des vocations hâtives que l'impatience du succès, le désir de répondre sur-le-champ aux exigences et aux préoccupations de la foule, rendent trop souvent indifférentes à toute circonspection scientifique. Mais si l'on ne saurait trop louer dans cet ouvrage l'abondance des informations, le grand esprit de sincérité qui inspire toute la recherche, l'indépendance du jugement, en revanche, la méthode suivant laquelle les faits ainsi réunis sont élaborés est loin de nous paraître aussi irréprochable. Elle s'éloigne même tellement de celle que nous avons eu nous-même l'occasion d'appliquer à cette question du mariage et de la famille, au cours d'un enseignement encore inédit, qu'il nous est impossible d'accepter la plupart des propositions auxquelles l'auteur aboutit. C'est donc sur ce point, avant tout, qu'il convient de s'expliquer.
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Messieurs, Je ne viens pas vous faire une nouvelle leçon d'ouverture. La sociologie n'est plus pour vous une étrangère qu'il faille vous présenter. Cependant, avant de commencer l'étude des questions qui vont nous retenir cette année, il m'a paru bon de vous y introduire par une première leçon où je vous exposerais les lignes générales de notre sujet, la méthode que nous suivrons pour le traiter et l'intérêt qu'il présente pour vos études.
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Une science qui vient de naître n'a et ne peut avoir au début qu'un sentiment incertain et vague de la région de la réalité vers laquelle elle va se diriger, de son étendue et de ses limites ; et elle ne peut s'en faire une image plus claire qu'au fur et à mesure qu'elle avance dans ses recherches. Il est d'autre part d'une extrême importance qu'elle acquière ainsi une conscience plus élevée de son objet, car la voie suivie par le savant est d'autant plus sûre qu'il procède méthodiquement, et lui-même est d'autant plus méthodique qu'il peut rendre compte plus exactement du terrain sur lequel il s'engage.
Le moment est venu pour la sociologie de faire tous les efforts possibles pour réaliser ce progrès. Sans aucun doute, quand certains critiques retardataires, subissant inconsciemment le préjugé qui en tout temps s'est opposé avec acharnement à la formation de sciences nouvelles, reprochent à la sociologie d'ignorer à quel objet précis elle doit s'attaquer, on peut leur répondre que cette ignorance est inévitable dans les premiers temps de la recherche et que notre science est née seulement d'hier. Il est nécessaire de ne pas perdre de vue, surtout devant la faveur que rencontre actuellement la sociologie, qu'il y a quinze ans l'Europe ne comptait pas dix véritables sociologues. Il faut ajouter que c'est trop exiger que de vouloir qu'une science circonscrive son objet avec une précision excessive ; car la partie de la réalité que l'on se propose d'étudier n'est jamais séparée des autres par une frontière précise. -
Communauté et société selon Tonnies : suivi de La condition de la femme
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 1 Janvier 2024
- 9791041955916
"Quoique cet ouvrage soit avant tout une étude de science sociale 1, des vues de nature très diverse y sont intimement mêlées. En même temps que toute une sociologie on y trouvera toute une philosophie et toute une psychologie. Schopenhauer, Karl Marx, Kant, Sumner Maine, les évolutionnistes inspirent tour à tour ou simultanément l'auteur, Une synthèse aussi éclectique rend naturellement très laborieuse la lecture de ce livre, et c'est dommage ; car on y trouve des idées intéressantes que nous allons essayer de démêler. Nous laisserons de côté tout ce qui a trait à la philosophie générale, pour dégager ce qui intéresse particulièrement le sociologiste Comme l'indique le titre, l'auteur s'est proposé d'analyser deux concepts, celui de la Gemeinschaft et celui de la Gesellschaft. Ce sont les deux modes de groupement que l'on observe chez les hommes, les deux formes de la vie sociale. Caractériser chacune d'elles et déterminer leurs rapports, tel est l'objet de cette étude."
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Le crime, un phénomène "normal" : suivi de Crime et santé sociale
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 1 Janvier 2024
- 9791041955930
" S'il est un fait dont le caractère pathologique parait incontestable, c'est le crime. Tous les criminologistes s'enten- dent sur ce point. S'ils expliquent cette morbidité de ma- nières différentes, ils sont unanimes à la reconnaître. Le problème, cependant, demandait à être traité avec moins de promptitude.
Appliquons, en effet, les règles précédentes. Le crime ne s'observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de tous les types. Il n'en est pas où il n'existe une criminalité. Elle change de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais, partout et toujours, il y a eu des hommes qui se conduisaient de manière à attirer sur eux la répression pénale. Si, du moins, à mesure que les so- ciétés passent des types inférieurs aux plus élevés, le taux de la criminalité, c'est-à-dire le rapport entre le chiffre annuel des crimes et celui de la population, tendait à baisser, on pourrait croire que, tout en restant un phénomène normal, le crime, cependant, tend à perdre ce caractère. Mais nous n'avons aucune raison qui nous permette de croire à la réa- lité de cette régression. Bien des faits sembleraient plutôt démontrer l'existence d'un mouvement en sens inverse." -
" Dans l'état actuel des sciences sociales, on ne peut le plus souvent traduire en formules intelligibles que les aspects les plus généraux de la vie collective. Sans doute, on n'arrive ainsi qu'à des approximations parfois grossières, mais qui ne laissent pas d'avoir leur utilité ; car elles sont une première prise de l'esprit sur les choses et, si schématiques qu'elles puissent être, elles sont la condition préalable et nécessaire de précisions ultérieures.
C'est sous cette réserve que nous allons chercher à établir et à expliquer deux lois qui nous paraissent dominer l'évolution du système répressif. Il est bien clair que nous n'atteindrons ainsi que les variations les plus générales ; mais si nous réussissons à introduire un peu d'ordre dans cette masse confuse de faits, si imparfaite qu'elle soit, notre entreprise n'aura pas été inutile.
Les variations par lesquelles a passé la peine au cours de l'histoire sont de deux sortes : les unes quantitatives, les autres qualitatives. Les lois des unes et des autres sont naturellement différentes." -
Débat sur l'explication en histoire et en sociologie
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 10 Janvier 2024
- 9791041956159
" M. DURKHEIM. - Je me sens un peu embarrassé pour répondre à l'exposé de M. Seignobos ; car je ne suis pas bien sûr d'être maître de sa pensée. Je voudrais savoir, avant de lui présenter des objections, s'il admet ou non la réalité de l'inconscient. Je ne vois pas clairement quel est son sentiment sur ce point.
M. SEIGNOBOS. - Je crois que, parmi les phénomènes inconnus, il y en a certainement qui ont un caractère spontané (par exemple des phénomènes physiologiques comme la digestion), qui exercent une action causale indé- niable, mais que nous ne connaissons pas.
M. DURKHEIM. - Dans son exposition, M. Seignobos semblait opposer l'histoire et la sociologie, comme si c'était là deux disciplines usant de méthodes différentes. En réalité, il n'y a pas à ma connaissance de sociologie qui mérite ce nom et qui n'ait pas un caractère historique. Si donc il était établi que l'histoire ne peut admettre la réalité de l'inconscient, la sociologie ne pourrait tenir un autre langage. Il n'y a pas là deux méthodes ni deux conceptions opposées. Ce qui sera vrai de l'histoire, sera vrai de la sociologie. Seulement, ce qu'il faut bien examiner, c'est si vraiment l'histoire permet d'énoncer la conclusion, à laquelle aboutit
M. Seignobos : l'inconscient est-il l'inconnu et l'inconnaissable ? M. Seignobos dit que c'est la thèse des historiens en général : mais il y en a beaucoup, je crois, qui repousseraient cette affirmation. Je citerai en particulier Fustel de Coulanges.
M. SEIGNOBOS. - Fustel de Coulanges avait horreur de la notion même de conscience collective.
M. DURKHEIM. - Mais il ne s'agit pas en ce moment de conscience col- lective. Ce sont là deux problèmes tout à fait différents. On peut se représenter le conscient et l'inconscient en histoire sans faire intervenir la notion de conscience collective ; ces deux questions n'ont aucun rapport l'une avec l'autre. L'inconscient peut être inconscient par rapport à la conscience individuelle et n'en être pas moins parfaitement réel. Séparons donc les deux problèmes : les idées de Fustel de Coulanges sur la conscience collective n'ont rien à voir ici. La question est de savoir si vraiment en histoire on ne peut admettre d'autres causes que les causes conscientes, celles que les hommes eux-mêmes attribuent aux événements et aux actions dont ils sont les agents." -
Cours de philosophie fait au lycée de sens en 1883-1884
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 14 Novembre 2023
- 9791041954148
La logique est la science qui détermine les règles que doit suivre l'esprit pour arriver à la vérité. La logique se distingue donc de la psychologie, d'abord par l'étendue de son domaine, car elle ne s'occupe que d'une catégorie déterminée d'états de conscience, l'intelligence, ne connaît qu'une faculté de ce moi que la psychologie décrit sous tous ses aspects. De plus le point de vue de ces deux sciences diffère: la psychologie n'a d'autre but que de faire connaître spéculativement l'esprit; la logique étudie non plus pour savoir, mais pouvoir ; elle se demande comment pratiquement l'on doit s'y prendre pour parvenir à la vérité. La psychologie montre comment les choses se passent, la logique comment elles doivent se passer pour atteindre le but que se propose cette science.
Mais si la logique est distincte de la psychologie, elle n'en a pas moins avec cette science d'étroits relations : d'abord, dans l'une comme dans l'autre, c'est de l'homme qu'il s'agit. La logique applique à une fin particulière les conclusions de la psychologie. La science théorique précède nécessairement la science pratique. Il faut savoir ce qu'est l'intelligence avant de chercher à s'en servir.
De plus, l'intelligence n'est pas une faculté isolée dans le moi, agissant seule ; elle agit toujours de concours avec les autres facultés. Nous verrons que la volonté et la sensibilité jouent un rôle dans les phénomènes spirituels. La logique doit donc être précédée de la psychologie. -
" J'appelle de ce nom la famille telle qu'elle s'est constituée chez les sociétés issues des sociétés germaniques, c'est-à-dire chez les peuples les plus civilisés de l'Europe moderne. je vais en décrire les caractères les plus essentiels, tels qu'ils se sont dégagés d'une longue évolution pour se fixer dans notre Code civil.
La famille conjugale résulte d'une contraction de la famille paternelle 1. Celle-ci comprenait le père, la mère, et toutes les générations issues d'eux, sauf les filles et leurs descendants. La famille conjugale ne comprend plus que le mari, la femme, les enfants mineurs et célibataires. Il y a en effet entre les membres du groupe ainsi constitué des rapports de parenté tout à fait caractéristiques, et qui n'existent qu'entre eux, et dans les limites où s'étend [?] la puissance paternelle. Le père est tenu de nourrir l'enfant et de pourvoir à son éducation jusqu'à sa majorité. Mais en revanche l'enfant est placé sous la dépendance du père ; il ne dispose ni de sa personne, ni de sa fortune dont le père a la jouissance. Il n'a pas de responsabilité civile. Celle-ci revient au père. Mais quand l'enfant est majeur quant au mariage - car la majorité civile de vingt et un ans le laisse sous la tutelle du père en ce qui regarde le mariage - ou bien dès que, à un moment quelconque, l'enfant est légitimement marié, tous les rapports cessent. L'enfant a désormais sa personnalité propre, ses intérêts distincts, sa responsabilité personnelle. Il peut sans doute continuer à habiter sous le toit du père, mais sa présence n'est plus qu'un fait matériel ou purement moral ; elle n'a plus aucune des conséquences juridiques qu'elle avait dans la famille paternelle 2. D'ailleurs, le plus souvent, la cohabitation cesse même avant la majorité. En tout cas, une fois l'enfant marié, la règle est qu'il se fait un foyer indépendant. Sans doute il continue à être lié à ses parents ; il leur doit des aliments en cas de maladie, et, inversement, il a droit à une portion déterminée de la fortune familiale, puisqu'il ne peut pas [en droit français], être déshérité totalement. Ce sont les seules obligations juridiques qui survivent [des formes de famille antérieures], et encore la seconde paraît destinée à disparaître. Il n'y a là tien qui rappelle cet état de dépendance perpétuelle qui était la base de la famille paternelle et de la famille patriarcale. Nous sommes donc en présence d'un type familial nouveau. Puisque les seuls éléments permanents en sont le mari et la femme, puisque tous les enfants quittent tôt ou tard la maison [paternelle] je propose de l'appeler la famille conjugale." -
L'enseignement philosophique et l'agrégation de philosophie
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 13 Janvier 2024
- 9791041956425
" Il y a trois ans environ, le bruit courut que la philosophie était à la veille de disparaître plus ou moins complètement du programme de nos lycées. Nous ignorons dans quelle mesure cette rumeur était fondée. Toujours est-il que le danger, si danger il y eut, fut provisoirement conjuré ; les quelques réformes de détail qui furent alors adoptées n'entamèrent pas sérieusement l'organisation traditionnelle de la classe de philosophie ni ne modifièrent d'une manière sensible les conditions dans lesquelles elle se recrutait. Remis d'une alarme aussi chaude, les philosophes crurent trop facilement que l'orage était définitivement passé. Au lieu de mettre à profit leur succès pour faire d'eux-mêmes leur examen de conscience, pour s'interroger spontanément sur ce que pouvaient avoir de juste les reproches qui leur étaient adressés, ils crurent que le mieux était de se, taire et de se faire oublier. Cependant, si leurs positions restaient à Peu près intactes, l'adversaire était loin d'avoir désarmé ; le mouvement d'opinion qu'ils étaient parvenus à contenir ne faisait même que gagner du terrain. Quelque retour offensif était inévitable. Et en effet, il suffit d'un article humoristique paru dans la Revue bleue pour tout remettre en question. Cette fois, on comprit que la politique du silence n'était plus de mise ; car le grand public se trouvait saisi et il était nécessaire de l'éclairer. Aussi les maîtres de notre enseignement philosophique acceptèrent-ils l'hospitalité qui leur fut offerte par la Revue même qui avait ouvert le débat et vinrent-ils à tour de rôle nous donner leur avis. Leurs réponses ont été depuis réunies dans un même volume qui a paru sous ce titre: Pour et contre l'enseignement philosophique."
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Débat sur le fondement religieux ou laïque à donner à la morale
Emile Durkheim
- Shs Editions
- 14 Janvier 2024
- 9791041956722
"M. DURKHEIM. J'accorde volontiers à M. Delvolvé que, en fait, l'enseignement laïque de la morale mérite assez souvent, peut-être même assez généralement, le reproche qu'il lui a adressé. Il n'est pas suffisamment relié à une notion centrale. On s'attache à expliquer d'une manière plus ou moins satisfaisante le détail des devoirs ; on ne se préoccupe pas assez de faire comprendre à l'enfant d'où
vient qu'il y a, d'une manière générale, des devoirs, pourquoi l'homme est obligé, quelle est la raison d'être de cette discipline sui generis qui constitue la morale. Mais si ce défaut est réel et grave, je ne crois aucunement qu'il soit inévitable ; pour mon compte, je me donne précisément comme tâche principale, dans mon cours de pédagogie, de montrer aux instituteurs comment il leur est possible de donner à leur enseignement cette unité nécessaire. D'un autre côté je doute que la méthode préconisée par M. Delvolvé lui permette de remédier au mal qu'il signale et d'atteindre le but qu'il se propose.
Mais pour que je puisse m'expliquer sur ce point, une distinction préalable est nécessaire."