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Elisabeth Filhol
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Chaque année, le Congrès international d'astronautique offre une tribune à ceux qui écrivent le futur de la conquête spatiale. En clôture de la 133e édition, Lee Wang prend la parole devant des milliers de personnes réunies sous le ciel nocturne de Darwin, Australie. Une scène a été dressée sur l'esplanade du front de mer, décorée aux couleurs de la White Star Line. Cinquante-deux cuves d'azote liquide. Le cas de la cinquante-troisième fait débat. Voilà comment Lee Wang présente les choses. Les cuves seront chargées dans nos soutes, transportant le patrimoine génétique d'un million d'espèces. Destination Titan, la plus grande lune de Saturne.
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« Quelques missions ponctuelles pour des travaux routiniers d'entretien, mais surtout, une fois par an, à l'arrêt de tranche, les grandes manoeuvres, le raz-de-marée humain.
De partout, de toutes les frontières de l'hexagone, et même des pays limitrophes, de Belgique, de Suisse ou d'Espagne, les ouvriers affluent. Comme à rebours de la propagation d'une onde, ils avancent. Par cercles concentriques de diamètre décroissant. Le premier cercle, le deuxième cercle... Le dernier cercle. Derrière les grilles et l'enceinte en béton du bâtiment réacteur, le point P à atteindre, rendu inaccessible pour des raisons de sécurité, dans la pratique un contrat de travail suffit.
Ce contrat, Loïc l'a décroché par l'ANPE de Lorient, et je n'ai pas tardé à le suivre ».
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Il y a huit mille ans, une grande île s'étendait au milieu de la mer du Nord, le Doggerland. Margaret, géologue, a fait de ce territoire mystérieux son objet d'étude. Marc aurait pu la suivre sur cette voie, mais c'est le pétrole qu'il a choisi. Il a brutalement quitté le département de géologie de St Andrews, et Margaret, pour une vie d'aventure comme ingénieur sur les plateformes offshore du Nord. Calant son rythme de vie sur le cours du baril, qui enchaîne les envolées et les effondrements. Vingt ans plus tard, Marc et Margaret sont invités à un congrès au Danemark. Ils pourraient choisir de se revoir. Mais la veille, la tempête Xaver s'abat sur l'Europe du Nord. On suit avec fascination sa montée en puissance. En même temps qu'elle réveille les fantômes du Doggerland, elle ranime les souvenirs, ravive les choix des uns et des autres, et questionne les conditions extrêmes de développement des plates-formes pétrolifères au péril de l'environnement. On dit que l'histoire ne se répète pas. Mais les géologues le savent : sur des temps très longs, des forces agissent à distance, capables de réveiller d'anciens volcans, de rouvrir de vieilles failles, ou de les refermer.
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En 1972, le film de Jean-Luc Godard Tout va bien met en scène une séquestration de patron, sur fond de grève illimitée, d'une occupation à la fois politique et festive de l'usine. Chacun a foi dans des lendemains qui chantent, le langage est offensif, imprégné d'idéologie, il dit quelque chose d'une époque portée par de grands élans collectifs et un idéal de changement, il n'y a ni fatalisme ni sentiment d'impuissance chez ceux qui luttent, la colère qui s'exprime est tout sauf désespérée ou résignée.
Lorsqu'en 2009, la France est touchée par une nouvelle vague de séquestrations, la colère et la violence sont toujours là, mais les revendications ont changé, et le langage n'est plus le même. Les sites concernés sont pour la plupart des filiales de groupes internationaux, menacés de fermeture ou d'un plan de licenciement massif, sur un territoire en crise. La radicalisation du conflit, une fois relayée par les médias, augmente la visibilité et les chances pour les salariés de se faire entendre. Mais paradoxalement, la forte exposition médiatique nous renseigne peu sur la réalité de chaque situation, et quantité de questions restent sans réponse : que se passe-t-il à l'intérieur de l'usine, derrière la porte de la salle des négociations, quelles personnalités sont en première ligne, quels sont les ressorts de la mobilisation, le niveau réel de tension et les risques de dérapage, comment en est-t-on arrivé là ?
Le privilège de la fiction est de pouvoir forcer les grilles, se fondre dans le collectif, entrer dans le huis clos de la séquestration. Ils sont quatre-vingt sept, un matin de juillet 2007, rassemblés au milieu de la cour de la Stecma, des hommes et des femmes qui pour la plupart n'ont jamais vécu d'occupation d'usine. Dans quelques minutes, Guillaume Mangin, à la tête de l'entreprise depuis dix-huit mois, franchira le portail au volant de son 4x4 Mercedes noir, déterminé à liquider le site avant la fin de l'été.
On retrouve dans ce livre la méthode claire et concise qui faisait la force de La Centrale. Des faits, leur enchaînement, ce qu'ils disent. Des hommes et des femmes pris dans ces faits et aussi dans une histoire qui les dépasse mais qu'ils essaient de maîtriser.