« On dit que les territoires nous façonnent. J'avais dix ans quand j'ai compris que le dérèglement climatique menaçait mon univers entier, et toutes mes histoires de famille, dont les glaciers renferment le souvenir. » Camille Étienne a grandidans un espace en voie de disparition. Dans un de ces lieux où le danger estdéjà réel, concret.
Face à un effondrement d'une telle ampleur, il est aisé de sombrer dans laparalysie. Mais, nous dit-elle, « notre impuissance est une construction qui ne nous appartient pas », et qui sert ceux qui exercent et jouissent pleinement deleur pouvoir.
Dans cet essai, Camille Étienne identifie les mythes qui nous entravent : éco-anxiété, fracture générationnelle, déclic, fausses peurs. Les paniques morales n'ont qu'un dessein : nous distraire de la peur qui devrait nous habiter et pourrait nous pousser à désobéir, ralentir ou cesser de coopérer.
Camille Étienne défend une écologie libératrice, portée par une puissance collective et démocratique. L'inertie est une légende, et la potentialité d'un soulèvement en est la preuve.
Ce numéro de Tumultes qui réunit philosophes, anthropologues, poètes, sociologues, politistes et théoriciens de la littérature, prend la forme du sujet qu'il s'est donné : pour penser les mouvements de ces acteurs nouveaux que l'on nomme « migrants », il se présente comme un recueil de langues distinctes, étrangères les unes aux autres et porteuses de divers mouvements. Les articles réunis nous font passer de l'étude de phénomènes locaux (un camp de Beyrouth, deux communes françaises hospitalières, des initiatives de solidarité à Bruxelles...) à une réflexion à l'échelle du monde, à la fois dans ce qui en constitue la crise et ce qui peut poser les bases de sa réinvention ; ils nous font passer de l'examen de possibles xenopolis (les villes de et pour l'étranger) à l'imagination d'un monde pluriel qui se compose à partir des actes d'hospitalité et de la reconnaissance des exilés comme acteurs d'un commun nouveau. Ces acteurs, plus que porteurs d'une crise qui accable nos États-nations, sont surtout perçus ici comme vecteurs positifs d'une critique nécessaire à porter à l'incapacité de l'échelle statonationale, non pour « gérer la crise migratoire » mais pour composer, avec ces sujets en mouvement, une politique véritablement adaptée aux enjeux et données nouvelles de notre temps. Les différentes contributions donnent au recueil une dynamique faite d'au moins deux mouvements. Le premier, critique et négatif s'attache à relever les torts dans l'usage de la violence policière en guise de « politique migratoire » ou les détournements et dénis de droits produits par une nouvelle gouvernementalité biopolitique transnationale. Le second s'efforce au contraire d'inverser le regard, de partir des expériences, de relever les incroyables ressources repérables depuis les traumatismes et les épreuves pour mettre en avant les expériences concrètes de recomposition des mondes depuis les migrations et les exils, depuis les frontières et les « jungles », depuis les rencontres et les opportunités. Hospitalité et xénopolitique sont les concepts clés qui permettent d'apprécier l'immense créativité politique alternative qui se fait jour ici.